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de plusieurs centaines de caractères. Ce que l’on sait parfaitement déjà, c’est que les noms propres de personnages, dans l’écriture assyrienne, sont constamment précédés d’un clou vertical isolé, tracé la pointe en bas, et qui ne paraît jouer d’autre rôle que celui d’un indice imprononçable, d’une simple caractéristique des noms propres. Ce fait permet de reconnaître à première vue, dans un texte assyrien quelconque, la place occupée par les noms ; mais voilà tout. Quant à l’étendue de ces noms, il sera impossible de la déterminer à priori d’une manière certaine, tant qu’on n’aura pas une connaissance précise d’articulations alphabétiques plus nombreuses que celles qui se rencontrent dans les noms divins et royaux tirés des inscriptions trilingues. A Nakchi-Roustam, une vaste inscription de cette classe, tracée à une grande hauteur sur la face aplanie d’un rocher, contient une longue énumération des peuples soumis à Darius. M. Westergaard, à l’aide d’un télescope, a tenté de copier cette triple inscription si précieuse ; mais les textes obtenus ainsi sont naturellement d’une correction fort problématique, et d’ailleurs le texte assyrien, mutilé en beaucoup d’endroits, se trouve, par une désolante fatalité, moins bien conservé dans l’énumération des peuples assujettis au monarque persan que partout ailleurs. Il y a plus, la comparaison des noms de lieux ou de peuples ne peut offrir des résultats positifs ; car souvent, d’une contrée à une contrée toute voisine, le nom d’une même localité change de physionomie au point de ne plus présenter les mêmes consonnances. Il n’en est plus de même lorsqu’il s’agit de noms propres de personnages, parce que ceux-ci ne peuvent, en passant d’un idiome dans un autre, subir que des altérations peu profondes et incapables d’en modifier radicalement la physionomie. À ce compte, il existe un texte trilingue dont la possession accélérerait notablement, sans nul doute, le déchiffrement de l’écriture assyrienne : c’est la fameuse inscription de Bisitoun. Cette inscription accompagne un immense bas-relief sculpté sur un rocher et représentant Darius haranguant une foule de chefs de nations soumises à sa loi. Chacun de ces chefs est accompagné d’une légende particulière, contenant son nom et celui de la nation qui l’avait à sa tête. Cet inestimable monument épigraphique a été copié avec grand soin par M. Rawlinson, agent diplomatique de l’Angleterre, établi depuis longues années à Bagdad, et explorateur plein de talent de tous les monumens des écritures cunéiformes. Malheureusement M. Rawlinson, désireux sans doute de se réserver la gloire de découvrir le premier le sens des inscriptions assyriennes, s’est jusqu’ici refusé à communiquer au monde savant le texte inappréciable qu’il possède seul, et il faudra que quelque courageux voyageur se dévoue à aller conquérir ce trésor philologique devant lequel MM. Coste et Flandin se sont arrêtés long-temps, sans en enrichir leurs