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de cette écriture mystérieuse pour se convaincre que cette solution ne saurait échapper, dans un temps plus ou moins éloigné, aux efforts de la science moderne.

Tout le monde a entendu parler du système d’écriture que l’on est convenu d’appeler cunéiforme, du nom de l’élément primitif qui en est la base. Cet élément est un coin aigu, un clou, qui peut se combiner indéfiniment avec lui-même par des changemens de taille ou de position, et fournir ainsi des groupes représentant toutes les articulations d’un alphabet, quelque développé qu’il puisse être. On le voit, rien ne saurait être plus simple que la création d’un semblable système alphabétique. Il y a plus, l’élément des écritures cunéiformes a été certainement choisi par suite d’une idée religieuse dont nous avons perdu la trace, car un monument babylonien, le caillou de Michaud, conservé au cabinet des antiques de la Bibliothèque du roi, parmi un certain nombre de figures se rattachant à des idées évidemment religieuses, nous représente le clou, base essentielle des écritures cunéiformes, placé comme un objet sacré sur un autel. Un pareil assemblage ne saurait être fortuit, et, sans aucun doute, il y a dans ce seul fait une indication suffisamment explicite de l’origine toute divine de l’élément principal de ces bizarres écritures.

Jusqu’ici, l’on a distingué parmi les écritures cunéiformes trois systèmes qui, probablement, sont destinés à peindre les sous de trois idiomes différens. Des monumens épigraphiques, appartenant exclusivement à la dynastie des souverains Achéménides de la Perse, ont été retrouvés dans les ruines du palais de Persépolis. D’ordinaire, ces inscriptions offrent trois textes cunéiformes se rapportant très certainement aux trois langues parlées par les trois races principales soumises à la dynastie des Achéménides, c’est-à-dire par les Perses, les Mèdes et les Assyriens. Il était naturel que l’idiome de la race dominatrice conservât la place d’honneur ; aussi a-t-on, avant toute espèce de lecture, deviné que le premier rang appartenait, dans ces inscriptions trilingues, à la langue et à l’écriture persanes. Le même raisonnement a fait attribuer le second à l’écriture médique, le troisième à l’écriture assyrienne.

On comprend l’ardente curiosité qui s’attacha tout d’abord à ces écritures, et tous les vœux que l’on forma pour en voir opérer le déchiffrement. Bien long-temps ces vœux restèrent stériles ; mais il n’est pas de problème de ce genre que l’intelligence humaine doive regarder comme insoluble, et la connaissance des écritures cunéiformes des trois classes signalées plus haut a fait, depuis quelques années, des progrès considérables. L’une d’elles, l’écriture persane, se lit aujourd’hui, non pas avec une extrême facilité, mais elle se lit. À l’aide de tâtonnemens dirigés par une saine critique philologique et continués avec une louable persévérance, on est parvenu à s’assimiler complètement la teneur de ces