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ils se trouvent, dès que ces circonstances leur semblent favorables au développement des connaissances humaines. Placé par ses honorables fonctions à côté de cette Ninive dont le nom avait tant de fois émerveillé son enfance, poussé par une espérance que peut-être il regardait lui-même comme chimérique, M. Botta entreprit des fouilles dans l’enceinte signalée par les voyageurs anglais comme l’enceinte de la ville[1]. N’y trouvant que des briques et des débris informes, il eût sans doute renoncé à tenter plus long-temps la fortune, qui semblait lui échapper, lorsque le hasard vint le décider à porter ses ouvriers sur un point assez éloigné de cette enceinte, au village de Khorsabad. Ce village était bâti sur une éminence de terrain, à la pointe nord-ouest de laquelle les ouvriers furent mis à l’œuvre, et dès le premier jour M. Botta était maître de l’une des plus admirables découvertes des temps modernes. Il s’empressa d’en faire part au monde savant. Malheureusement l’édifice somptueux dont notre consul explorait les ruines avait évidemment péri dans un violent incendie. Les murailles, formées d’épais massifs de briques crues, étaient toutes primitivement revêtues de plaques de gypse couvertes partout de bas-reliefs et d’inscriptions cunéiformes. Or, la nature même de ces plaques de revêtement en rendait la conservation presque impossible ; dès qu’elles étaient exposées au contact de l’air, elles se délitaient avec une rapidité désespérante, et, à mesure que les fouilles avançaient, tout ce qui avait été précédemment découvert s’anéantissait. M. Botta voyait donc lui échapper le fruit de ses patientes recherches ; mais la nécessité et la volonté sont deux professeurs excellens, et le savant consul essaya de dessiner les bas-reliefs assyriens que les ouvriers mettaient au jour, à mesure qu’ils étaient tirés de terre. Nous n’avons pu nous défendre d’un sentiment d’admiration à la vue des copies de reliefs et d’inscriptions que nous devons au crayon de M. Botta. Il ne savait pas dessiner, et pourtant, en quelques jours d’application persévérante, il parvint à se mettre en état de rendre, avec toute l’exactitude et tout l’esprit désirables, des sujets dont il était certainement très difficile de saisir aussi bien le caractère.

Cependant les ressources de M. Botta s’épuisaient ; la dextérité nécessaire lui manquait pour prendre, avec les copies des inscriptions, des dessins suffisamment exacts au fur et à mesure des découvertes. Il s’adressa donc au gouvernement, et l’Académie des inscriptions et belles-lettres, que la découverte de Khorsabad intéressait au plus haut point, s’empressa de solliciter le patronage des ministres du roi. Sa demande fut favorablement accueillie ; des fonds suffisans furent mis à la disposition de M. Botta, et un jeune artiste de talent éprouvé, déjà préparé d’ailleurs au genre de travail que l’on attendait de son zèle par de longues

  1. Cette enceinte a environ cinq kilomètres de long sur deux kilomètres de large.