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Ctésias, malgré les dévastations que lui avait fait subir l’invasion des Perses.

A Nabuchodonosor succéda, en 561, son fils Evilmerodach, qui périt deux années plus tard, assassiné par son beau-frère Neriglissor. Cet usurpateur ne garda la couronne que quatre années, au bout desquelles il la perdit avec la vie dans une bataille contre Cyrus, roi des Perses et des Mèdes. Alors son jeune fils, Laborosoarchod, monta sur le trône, mais il en descendit presque aussitôt, chassé par ses ministres, indignés de ses cruautés. Nabonid, le Labynitus d’Hérodote et le Baalthasar de l’Écriture, lui fut substitué. Après son expédition contre les Lydiens, Cyrus, qui avait appris déjà le chemin de Babylone, revint sur l’Euphrate. Nabonid essaya vainement d’arrêter la marche du conquérant ; il fut battu et courut s’enfermer dans sa capitale, qu’il croyait imprenable. Cyrus alors détourna les eaux du fleuve, et, par son lit mis à sec, il pénétra dans Babylone au moment où, suivant le récit du prophète Daniel, une main mystérieuse écrivait sur les murs de la salle du festin les trois mots terribles manè, thecel, phares, dont la vue seule brisa les reins de Baalthasar. Babylone une fois prise (538 avant Jésus-Christ), de l’empire chaldéen il ne resta plus qu’un nom illustre.

Parmi les faits que nous venons de grouper le plus brièvement possible, il en est de certains, mais il en est aussi de fort douteux. Ne nous attachons donc qu’aux données historiques qui nous permettent de conjecturer l’époque où furent construits les monumens découverts par M. Botta. Ninive périt en 626 avant Jésus-Christ : à partir de cet effroyable désastre, elle ne se releva plus, et quatre-vingt-huit ans plus tard Babylone elle-même devint la proie de Cyrus. Comme l’écriture cunéiforme persépolitaine se retrouve à la place d’honneur dans tous les monumens écrits, bilingues ou trilingues, que nous possédons sur la dynastie des Achéménides, à laquelle appartient le conquérant de Babylone, nous pouvons être assurés que tout monument que l’on découvrira en Chaldée, soit à Babylone, soit à Ninive, sans adjonction d’une traduction persépolitaine des textes écrits, sera antérieur à la conquête persane, c’est-à-dire à l’année 538 avant notre ère. De cette remarque toute simple et toute naturelle il résulte que le palais de Khorsabad, découvert par M. Botta, est de construction antérieure à la conquête de Cyrus, et très probablement aussi à la destruction de Ninive par Cyaxare en 626 avant l’ère chrétienne.

Il serait inutile de revenir ici avec de grands détails sur les circonstances qui ont précédé et en quelque sorte préparé la magnifique découverte de M. Botta[1] ; quelques mots suffiront. Le propre des esprits d’élite est de mettre toujours à profit les circonstances dans lesquelles

  1. On n’a point oublié les articles publiés par M. Flandin dans les livraisons de cette Revue du 15 juin et du ter juillet 1545, sous ce titre : Voyage archéologique à Ninive.