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La biographie, qui clot dans les catalogues la section relative à l’histoire, donne environ par année deux cent cinquante publications dont la plupart sont des brochures. Nous rencontrons d’abord les biographies universelles, qui ne sont plus comme autrefois l’ouvre patiente d’un seul homme, mais une œuvre collective, à laquelle prennent part des écrivains de toutes les opinions, politiques ou religieuses, d’où il résulte qu’on y trouve des disparates singulières et des morceaux d’une médiocrité déplorable à côté d’articles excellens qui meurent là, perdus dans le nombre, sans autre profit pour l’auteur que de lui rapporter, dans les entreprises bien payées, 100 francs pour chaque feuille in-8o compacte. Les biographies consacrées par la province à ses illustrations ont fourni, depuis quinze ans, une quantité assez notable de volumes. Ces monographies se sont remarquablement perfectionnées, et un grand nombre d’entre elles donnent sur les hommes qui ont joué un rôle plus ou moins célèbre dans l’histoire contemporaine des renseignemens fort exacts et trop peu consultés. On peut y puiser aussi pour l’histoire littéraire d’utiles indications, car, sur tous les points du royaume, on recherche avec un soin extrême tous les souvenirs qui se rattachent à la vie des hommes célèbres que nos villes s’honorent d’avoir vu naître ; ainsi, Malherbe à Caen, Balzac à Angoulême, Corneille à Rouen, Gresset à Amiens, sont devenus pour quelques érudits une spécialité qui suffit à leur gloire. Quant à la biographie contemporaine, qu’elle soit générale ou particulière, religieuse ou politique, car elle a pris toutes les formes, on peut dire, sans être injuste à son égard, qu’elle est devenue l’image du chaos, et qu’elle présente tant de jugemens contradictoires, tant de réticences, de si étranges exagérations, qu’il deviendra impossible à ceux qui la consulteront dans l’avenir de s’arrêter avec la moindre certitude à ses affirmations, et de choisir entre des apothéoses qui font souvent pitié et des insultes qui indignent. Pour les uns, elle n’est devenue trop souvent qu’un pamphlet, un registre de mensonges ; pour les autres, un mandat à vue tiré sur la vanité.

La biographie-pamphlet, celle qui dénigre toujours, pour être injuste et passionnée, n’est point à dédaigner absolument ; elle est avare de réflexions, mais prodigue de faits et de dates, et c’est précisément là ce qui lui donne quelque prix. Elle réduit bien des usurpateurs de renommée à leur juste valeur en révélant le secret de leurs succès ; elle montre avec quel engouement irréfléchi nous faisons souvent des grands hommes, et combien sont rares ceux qui restent fidèles à une idée, à un principe, ceux qui savent nettement ce qu’ils veulent, où ils vont, et qui gardent leur caractère.