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traité lui-même, en se réservant une nouvelle part de salaire. On conçoit ce que devient l’histoire quand elle est faite à de semblables conditions.

Les ouvrages relatifs à certaines grandes périodes de nos annales sont plus nombreux encore que les ouvrages généraux ; mais, dans cette subdivision de la bibliographie historique de la France, la curiosité se déplace sans cesse, et l’on peut dire en quelque sorte qu’elle voyage de règne en règne. Il y a dix ans encore, le nombre des livres consacrés au moyen-âge dépassait considérablement le nombre de ceux qui traitent de l’histoire moderne à partir du XVIIe siècle, ou de l’histoire contemporaine à partir de 1789. Il s’est opéré de ce côté une réaction remarquable. La grande époque du siècle de Louis XIV, sous le rapport politique comme sous le rapport littéraire, a été l’objet d’investigations nombreuses. On a fait, d’une part, d’heureuses exhumations, telles que les Mémoires de Fléchier sur les grands jours, les Historiettes de Tallemant des Réaux, et de l’autre, on a réimprimé une grande quantité de livres historiques parmi lesquels les Mémoires tiennent la plus grande place. Les ouvrages nouveaux ont été aussi fort nombreux. M. Dumas, qui publiait Jehanne la pucelle en 1832, publiait, en 1844, Louis XIV et son siècle. M. Capefigue, qui a toujours de l’à-propos, nous a donné aussi un Louis XIF de sa façon. Aujourd’hui c’est vers l’empire et la révolution française que l’attention est dirigée. Depuis tantôt quinze ans, le nombre des histoires générales de la révolution s’élève à dix environ par année. Toutes les opinions ont trouvé des représentans et des apologistes. Avec l’histoire monarchique de M. de Conny, nous avons l’histoire populaire de M. Cabet, l’histoire pittoresque de M. A. Béraud, l’histoire ultra-montagnarde de M. Laponneraye. Quant à l’Histoire parlementaire de M. Buchez, cette vaste collection en quarante volumes a conquis, comme recueil de pièces, l’estime de tous ceux qui veulent étudier les faits historiques dans les documens contemporains, et elle a le mérite de faire connaître deux phases de la révolution que les publications du même genre avaient laissées dans l’ombre, le club des jacobins et la presse révolutionnaire. Nous ne parlons point ici de MM. Thiers et Mignet, dont les livres datent de la restauration, et qui ont gardé, après plus de vingt ans, c’est un siècle à notre époque, une véritable et légitime popularité. Cette année même, un nouveau triumvirat historique s’est constitué par MM. Louis Blanc ; Michelet et de Lamartine, et l’ardeur, l’émotion que ces historiens, en se plaçant chacun à des points de vue différens, ont apportées dans leurs livres, le retentissement de ces livres dans le public, montrent que d’autres sentimens que la curiosité, qu’un autre attrait que la beauté littéraire nous appellent vers le spectacle de la révolution française, et que cette grande époque agite encore profondément le monde des idées.

Les ouvrages relatifs à la période napoléonienne sont moins nombreux que ceux qui se rattachent à notre régénération sociale. Nous remarquerons en outre que la production, dans cette section bibliographique, a subi depuis quinze ans une décroissance notable. Ainsi, le nombre des livres traitant du consulat et de l’empire, qui s’élevait à 47 en 1833, n’est plus que de 19 en 1836, et de 14 en 1845. Les dernières années de la restauration avaient été beaucoup plus fécondes, surtout en ouvrages sérieux, car, à part les travaux de M. Thiers et ceux de M. Bignon, à qui Napoléon lui-même avait délégué dans son testament la tâche d’écrire l’histoire de la diplomatie française de 1792 à 1815 ; à part même,