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la Conquête de l’Angleterre de M. Augustin Thierry, l’Histoire de Pologne de M. de Salvandy, et l’Antonio Perez de M. Mignet.

Si nous rentrons maintenant dans nos frontières, si nous évoquons les écrivains qui depuis quinze ans ont remué la poussière de nos annales, nous voyons les volumes, l’in-folio comme l’in-32, s’élever en pyramides. Pendant la révolution, les préoccupations du présent étaient trop vives pour que la curiosité pût se tourner avec fruit vers un passé qu’on méprisait d’ailleurs et qu’on démolissait jusque dans ses ruines. Sous l’empire, l’histoire, stérile et bâillonnée, devint une affaire de police ; elle fut placée sous la surveillance de Fouché. Napoléon traçait lui-même au comte de Montlosier le programme de son ouvrage et donnait en même temps à quelques professeurs de l’Université l’ordre d’arranger Tacite. Dans les premières années de la restauration, on vit naître une école monarchique qui chanta l’oriflamme pour rendre un peu d’éclat au drapeau de la vieille monarchie relevé par l’étranger. M. de Marchangy en fut pendant quelque temps le représentant le plus en vogue ; mais à côté de l’école monarchique, s’élevait, dans les générations nouvelles, l’école libérale, qui cherchait à défendre par les traditions du passé les droits méconnus de la nation et ses libertés toujours menacées. Les premiers travaux de cette école, empreints surtout d’un caractère polémique, se révélèrent par des résumés, auxquels vinrent s’ajouter des mémoires et des biographies, qui, à défaut de qualités vraiment scientifiques, se distinguaient par une allure indépendante et nouvelle, une vive passion de la vérité ; mais l’apaisement se fit peu à peu : on comprit qu’au-dessus de toutes les luttes des partis, il y a l’enseignement calme et grave des faits. La politique se retira peu à peu pour faire place à la philosophie et à l’érudition. On s’est mis en quelque sorte à démonter l’histoire pour l’étudier pièce à pièce, l’analyser dans ses moindres détails. Trois écoles distinctes se sont vouées à cette ouvre importante, et, pour faire à chacune sa part, nous rappellerons le jugement qu’en a porté un de nos plus savans et de nos plus ingénieux historiens littéraires. «  Nous avons aujourd’hui, dit M. Patin, l’école érudite et critique, qui se propose de vérifier, d’éclaircir, de compléter les faits déjà connus, et, s’il se peut, d’en découvrir qui ne le soient pas encore ; l’école pittoresque, qui s’applique à reproduire la physionomie des temps et des lieux ; l’école philosophique enfin, qui s’occupe moins des événemens eux-mêmes que de leurs causes, de leurs effets, de leur succession nécessaire, des institutions, des mœurs, des idées, en un mot, des états de la civilisation qu’ils expriment, des lois qui les régissent, des formules générales auxquelles on peut les rapporter… Une excellente histoire serait celle qui résulterait de la conciliation des trois écoles, conciliation difficile tentée par quelques hommes de talent, au nombre desquels est M. Michelet. » On doit à ce mouvement, à la rivalité même des différens systèmes, une masse imposante de travaux, qui seront comptés dans l’avenir au nombre des legs glorieux de notre temps.

Parmi ces travaux, les grandes collections se présentent d’abord. Quelques-unes des vastes publications commencées sous l’ancienne monarchie et interrompues par la révolution ont été reprises avec une ardeur nouvelle. L’Académie des Inscriptions continue aujourd’hui le Recueil des Historiens des Gaules et de la France, commencé par dom Bouquet ; le Recueil des Ordonnances, entrepris par ordre de Louis XIV ; les Chartes et Diplômes de Bréquigny ; l’Histoire littéraire