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et des cartomanciennes, où ils ont retrouvé leurs confrères les physiognomonistes.

Essentiellement féconde par cela même qu’elle est lucrative, la science médicale, outre les livres et les brochures, se produit encore dans les recueils des sociétés savantes et dans les journaux. Le nombre de ces sociétés est de douze à Paris, non compris la section de l’Institut et l’Académie royale. Le nombre des journaux était, en 1845, de 27, dont le prix variait de 4 francs à 40, et dont, les abonnemens réunis s’élevaient à 410 francs par année. Sur ces 27 journaux, 2 seulement payaient leur rédaction, ce qui prouverait de la part des collaborateurs le plus louable désintéressement, si la plupart des feuilles médicales n’étaient pas trop souvent transformées en véritables prospectus à l’adresse des malades, au lieu d’être seulement d’utiles répertoires à l’usage des praticiens. Ajoutons que la médecine, qui tient sans doute à se montrer de tous points une science complète, a manié la lyre en même temps que le scalpel. Le doyen de la Faculté de Paris figure au premier rang de la Société des enfans d’Apollon, et M. le docteur Fabre, fondateur de la Lancette française, s’est armé du fouet de Juvénal pour corriger, par la Némésis médicale, les professeurs, les étudians, les charlatans. Esculape, on le voit, est resté l’ami des Muses.

Nous n’insisterons pas sur la section mathématique de la Bibliographie de la France, car nous rencontrons là une science tout-à-fait spéciale, en dehors du public pour ainsi dire, et qui ne se révèle qu’à de rares initiés. Comme il s’agit de chiffres, nous les laisserons parler, et, dans leur langage précis, les chiffres nous diront que, depuis quinze ans, l’étude des mathématiques s’est popularisée d’une façon remarquable. Voici, en effet, ce que nous trouvons pour les ouvrages relatifs à l’arithmétique, à la géométrie, à la trigonométrie, au calcul intégral, différentiel, etc.


1833 62 ouvrages 1840 103
1838 88 1845 105

Comme les rêveurs reparaissent toujours et partout, il va sans dire que nous les rencontrons encore ici cherchant, avec une ardeur qui ne se lasse jamais, le mouvement perpétuel et la quadrature du cercle. Nous y rencontrons aussi les improvisateurs, représentés par M. Cauchy. Euler, on le sait, a donné aux recueils des divers corps savans de l’Europe plus de sept cents mémoires de mathématiques pures. M. Cauchy, qui n’est pas Euler, a cependant produit bien davantage. Il fait de l’algèbre comme Calderon faisait des comédies, ce qui ne l’empêche pas de lancer à l’occasion sa brochure néo-catholique sur la question de l’enseignement. Cette intervention d’un mathématicien dans les querelles du clergé nous conduit naturellement à une observation que nos lecteurs sans doute auront faite avant nous : c’est qu’au XVIIe et au XVIIIe siècle, la plupart des grands mathématiciens, des grands géomètres, étaient aussi des philosophes éminens, témoin Descartes, Pascal, Malebranche, Euler ; aujourd’hui, au contraire, un divorce complet existe entre les mathématiques et la philosophie. Les personnes qui s’occupent des sciences positives ne mettent le pied sur le domaine de la spéculation que pour s’y rencontrer avec les utopistes. Ce sont les mathématiciens, les géomètres, les ingénieurs, qui formaient le gros bataillon du saint-simonisme, qui forment encore l’avant-garde de la secte phalanstérienne. La