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qui ont fourni le plus de livres. Ici les grands ouvrages sont relativement plus nombreux que dans les autres divisions bibliographiques, et, dans certaines spécialités, le nombre des volumes atteint souvent un chiffre qui en rend l’acquisition fort difficile pour la majorité des acheteurs[1].

L’histoire naturelle a pris de nos jours de tels développemens qu’il serait impossible à l’esprit le plus heureusement doué de l’aborder simultanément dans son ensemble et ses détails. L’observation a réuni un si grand nombre de faits, les idées qui sont nées de ces faits ont été si abondantes, que la science a été forcée de se partager en subdivisions nombreuses, qui tendent elles-mêmes à s’isoler, à se transformer en autant de branches particulières. De là ces importantes monographies dont le sujet, en apparence restreint, eût à grand’peine, il y a trente ans, fourni quelques pages ; et comme la science se vulgarise en s’étendant, comme ici encore il faut apprendre vite, il en résulte que les traités élémentaires et pratiques se sont multipliés dans une proportion considérable. L’étude de l’histoire naturelle est maintenant, avec celle de l’archéologie, la seule qui inspire une véritable passion. Sous ce rapport, cette science est mieux servie que la littérature, car, au lieu de l’exploiter ainsi qu’on exploite les lettres, la plupart de ceux qui la cultivent s’imposent souvent pour elle de lourds sacrifices, et, comme elle figure au budget des gens riches parmi les goûts dispendieux, nous la classerons ici parmi les sciences désintéressées, et surtout parmi celles qui progressent le plus rapidement.

C’est encore parmi les branches éminemment progressives qu’il faut ranger l’agriculture. Le nombre des livres qui concernent cette science s’est considérablement accru pendant ces dernières années, et ces livres, qui se divisent en diverses catégories, embrassent toutes les questions qui, de près ou de loin, se rattachent à l’exploitation du sol. A partir de 1830, le gouvernement s’est occupé de recueillir les élémens d’une statistique agricole[2]. Les premiers résultats

  1. Parmi les grands ouvrages publiés dans ces dernières années, nous citerons : l’Histoire des Poissons, de MM. Frédéric Cuvier et Valenciennes, qui contient plus de cinq mille espèces de ces animaux, et qui n’a pas moins de 20 volumes ; l’Histoire des Lépidoptères, ou Papillons d’Europe, qui en a 16 ; l’Iconographie des Chenilles, annoncée en 60 livraisons ; l’Histoire naturelle des Mammifères, commencée en 1819 et terminée en 1842, le plus important ouvrage qui ait paru depuis Buffon sur les quadrupèdes ; l’Histoire naturelle des Oiseaux de paradis, les Oiseaux d’Amérique, la Paléontologie française, par M. Alcide d’Orbigny, etc. Ce sont là des monumens qui font in égal honneur à la science, à la typographie et aux arts du dessin.
  2. « Jusqu’à ces dernières années, dit M. Jung, l’un de nos écrivains qui ont traité avec le plus de succès les sciences agronomiques, on n’avait fait que des efforts mal dirigés et incomplets pour dénombrer toutes les richesses de notre territoire ; mais, depuis 1830, le gouvernement, abandonnant les voies suivies jusqu’alors, s’est décidé à employer une méthode d’exploration plus propre à fournir les bases réelles d’une statistique agricole. Le bureau de la statistique générale chargé de ce soin a adressé aux maires, aux fonctionnaires et aux notables de toutes les communes de France, autant d’exemplaires d’un’ tableau rédigé sur un plan simple et uniforme, et leur a demandé d’en remplir les indications. Il est ainsi parvenu à réunir un pareil nombre de statistiques locales qu’il a soumises à la révision de commissions formées par cantons, par arrondissemens et par départemens ; puis, pour éliminer encore davantage les chances d’erreur et réduire à des proportions convenables un travail qui comprenait 18 millions et demi de termes numériques, il les a rapprochés et groupés de différentes manières, en s’adressant aux localités mêmes pour les vérifications et les rectifications. » (Voir le remarquable travail de M. Jung, intitulé Agriculture de la France.)