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États-Unis par sa position géographique, par la nécessité, par le droit même. Il est vrai qu’on ne dit pas par quel droit. Sans doute ce serait une merveilleuse acquisition que cette île féconde qui touche à la pointe des. Florides et ferme le golfe du Mexique, qui donne à l’Espagne dix millions de piastres par an, qui compte un million d’habitans, qui est égale à l’Angleterre en superficie et renferme tous les trésors de la nature minérale ou végétale ! Les politiques de l’Union doivent cependant y songer beaucoup avant de se laisser entraîner à couvrir ainsi les anciens territoires espagnols du pavillon américain. Les Saxons des états du nord ont déjà quelque peine à s’entendre avec l’émigration irlandaise et allemande ; peut-on prévoir quel nouveau ferment de discorde s’introduirait dans la république par l’accession toujours croissante des races indisciplinables du midi ?


De l’italie dans ses rapports avec la liberté et la civilisation moderne, par M. André-Louis Mazzini[1]. — Ce livre est un véritable anachronisme et semble avoir été écrit pour prouver une fois encore que toutes les émigrations se ressemblent, et que les exilés de Coblentz ne sont pas les seuls qui n’aient jamais rien appris, rien oublié. Il y a dix ans, il aurait eu un sens ; aujourd’hui ce n’est plus qu’un plaidoyer portant à faux et dénué de toute signification. Pour qui l’auteur a-t-il voulu écrire ? Est-ce pour l’étranger ? A-t-il eu la prétention d’initier l’Europe au secret des destinées de sa patrie ? Mais il n’est à présent plus permis à personne d’assimiler la révolution qui s’opère en Italie à celles qui l’ont précédée. On sait qu’il n’y a plus de carbonari au-delà des Alpes, que les sociétés secrètes ont cessé d’exister du jour où quelques hommes courageux eurent le bon sens de transporter sur la place publique et en plein soleil les conjurations qui se tramaient autrefois dans le mystère des comités. Enfin on n’ignore pas que la jeune Italie s’est fondue dans cette grande opinion nationale qui en deux ans a rallié toutes les classes de la population, a intéressé le peuple, jusqu’à présent inerte et indifférent, et est enfin arrivée au pouvoir à Rome et en Toscane. A qui donc M. Mazzini persuadera-t-il que « la jeune Italie est le seul parti qui puisse avoir un jour une grande influence sur les destinées futures du peuple italien ? » S’il lui plaît de s’environner d’abstractions et de ne tenir aucun compte des faits qui se produisent à la face du monde, nous empêchera-t-il de constater que les principes et l’école qu’il combat ont plus fait pour l’Italie en quinze mois que le carbonarisme et les sociétés secrètes en trente années de luttes stériles et de dévouemens infructueux ? Libre à lui de traiter avec dédain les rêves et les espérances de ce qu’il appelle le parti réformiste, et qui est maintenant la nation tout entière ; pour nous, qui ne pouvons guère juger que des résultats, il nous semble que ces espérances et ces rêves n’ont pas laissé que de prendre une certaine apparence de réalité, et certes, pour que l’Europe finît par croire cette fois à un mouvement sérieux, il

  1. Deux volumes in-8e, à Paris, chez Amyot, 1847.