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larmes le nom de sa mère. La reine Christine est partie pour aller rejoindre sa fille ; elle retourne à Madrid, rappelée par la reine et par le vœu unanime du conseil des ministres. Elle peut y rentrer sans craindre d’y rencontrer, entre elle et sa fille, un obstacle qui blesse sa dignité maternelle. Même après l’éloignement du ministère Salamanca, il restait encore une grande difficulté à vaincre pour amener la réunion de la reine et du roi. On la comprend sans que nous ayons besoin de la désigner plus clairement. Cette difficulté n’existe plus, et rien ne s’oppose désormais à ce que le roi rentre dans le palais devenu libre.

Le premier acte du nouveau président du conseil a été de convoquer les cortès pour le 19 novembre. C’est la meilleure réponse que pût faire le général Narvaez aux doutes conçus sur la sincérité de ses sympathies constitutionnelles et libérales. Il faut espérer qu’il persévérera dans cette voie. L’attitude calme, patiente et courageuse qu’il a eue pendant toute la durée de cette crise lui fait le plus grand honneur, La place n’était pas toujours sûre, et dans un pays comme l’Espagne, c’était jouer gros jeu que de rester.

Le parti modéré est revenu au pouvoir ; sera-ce pour long temps ? C’est ce que personne ne peut dire. Dans tous les cas, ce qui vient de se passer en Espagne sera pour le jugement de l’Europe un spectacle instructif. Avec le retour du parti modéré, c’est-à-dire du parti auquel on donne le nom de français, l’harmonie est rétablie entre les pouvoirs publics, le scandale qui environnait la royauté disparaît, la cause même en est écartée, et de tristes différends domestiques sont près de s’apaiser, tandis que de l’autre côté tous les efforts, toutes les intrigues, toutes les manœuvres, tendaient à remplacer et à perpétuer le scandale, à envenimer les discordes et à bouleverser l’ordre établi par la constitution. Ce que nous voudrions bien savoir, c’est si l’Angleterre, la protestante et religieuse Angleterre, qui professe un si grand respect des vertus de famille, approuve la conduite de son représentant, et lui pardonne en faveur du but les moyens si éminemment moraux dont il s’est servi et auxquels il s’est associé.

En Italie, l’aspect des affaires tend à devenir plus calme. Le mouvement libéral se régularise insensiblement ; les gouvernemens semblent avoir compris qu’il valait mieux le diriger en s’y associant que de l’exaspérer en y résistant. La nouvelle de l’évacuation de Ferrare, qui avait été donnée comme positive et avait été l’objet de commentaires précipités, n’était pas exacte. Nous espérons cependant qu’elle n’était que prématurée. L’attitude de résistance passive, de protestation vivante, qu’a prise le pape Pie IX, portera nécessairement ses fruits. En attendant, le pontife libéral poursuit avec calme et avec persévérance le cours de ses réformes. Celle qu’il vient d’entreprendre en dernier lieu est une des plus importantes et sera une des plus fécondes. C’est une sorte d’introduction de la société civile au cœur même de la société ecclésiastique. L’Italie, comme tous les pays très désorganisés, a plus besoin de réformes administratives que de réformes politiques. Désormais Rome et la campagne romaine seront, comme les autres départemens de l’état, représentées et administrées par un conseil délibérant et une magistrature administrative. Le conseil municipal, composé de cent membres, sera nommé la première fois par le souverain, et se renouvellera ensuite par tiers, tous les deux ans, par le vote de ses membres. La magistrature municipale, qui s’appellera le sénat de Rome, se composera d’un sénateur et de huit adjoints. Peut-être cette nouvelle organisa-