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de nos côtes, celui des ports de l’Algérie ? Le port de Cherbourg à lui seul exigera une augmentation de dépense de 30 ou 40 millions au-delà des prévisions.

Quant à un plan de finance efficace, sommes-nous bien fondés à l’attendre quand on a montré jusqu’à ce jour tant de répugnance à réduire les dépenses improductives, quand la présentation du projet de loi sur l’emprunt a été tenue secrète pendant toute la discussion du budget, afin qu’un désir d’économie trop ardent ne s’emparât pas de la chambre des députés ? Le souvenir de la tentative d’union douanière avec la Belgique, arrêtée à la première menace de M. Fulchiron, ne permet pas d’attacher une bien grande importance à toutes les promesses de refonte générale des impôts. Peut-être apportera-t-on quelques impôts somptuaires peu productifs, et l’annulation des 13 millions de rentes rachetées 3 pour 100 sera sans doute proposée. Ce procédé n’aurait rien de contraire aux habitudes administratives actuelles, et ne démentirait pas le passé. La destruction d’une ressource future sera présentée comme une économie. Jugez de l’efficacité de la mesure : les intérêts des emprunts contractés dans ces deux années en absorberont à eux seuls le bénéfice. Selon toutes les probabilités, le déficit continuera sa marche ascensionnelle ; quelle sera donc notre situation financière au commencement de 1849 ? Je l’ai déjà dit, beaucoup plus grave qu’en 1847 : la dette flottante sera plus chargée, et nous ne pourrons pas emprunter. La responsabilité du ministère sera bien grande, s’il manque aux engagemens formels contractés par lui dans la dernière session ; il a promis la réduction de l’impôt du sel et de la taxe des lettres, et fait espérer le rétablissement de l’équilibre dans des termes précis. Voici les expressions mêmes de l’exposé des motifs du projet de loi sur l’emprunt de 350 millions : « Nous aurons l’honneur de vous apporter dans votre prochaine session des propositions qui, en réalisant les vœux des chambres, assurent entre les recettes et les dépenses de notre budget l’équilibre si nécessaire et si désiré. » Il ne convient pas de juger à l’avance un plan de finance hypothétique. Le difficile en pareille matière n’est pas de promettre, c’est de tenir sa promesse. Quoi qu’il en soit, l’engagement de M. Dumon constate la nécessité d’un changement de conduite. A quelles conditions peut-il être réalisé ?

Malgré tout ce que ce mot a de dur, d’exagéré dans un certain sens, qu’il me soit permis de m’en servir : le bilan de l’état doit être, dans la prochaine session, déposé devant les chambres et le public. Pour faire voter des économies pénibles, qui blesseront des intérêts ; pour obtenir des réductions auxquelles s’opposent les sentimens politiques de telle ou telle partie de la chambre ; pour avoir le droit de retarder d’un