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Davoud-Oghlou, a publié à Berlin, en 1845, un livre français sur l’Histoire de la législation des anciens Germains.

Le droit moderne, né du code civil, a ouvert un champ plus vaste encore aux méditations des jurisconsultes ; mais depuis vingt-cinq ans les études ont changé de direction. Au moment de la promulgation des codes, le principal travail fut de les expliquer par l’histoire de leur formation même, de les confronter avec la jurisprudence à laquelle ils succédaient. C’était alors l’exposition dogmatique qui dominait ; aujourd’hui c’est l’analyse et la critique, et, comme un des grands bienfaits de la législation moderne est d’avoir rendu la justice expéditive, il s’ensuit que l’avocat et le juge ont avant tout besoin d’ouvrages où les recherches sont faciles et auxquels on n’adresse jamais une question sans recevoir de réponse. Les recueils de MM. Sirey, Dalloz et Ledru-Rollin sont devenus aujourd’hui pour la jurisprudence ce que les sommes théologiques étaient autrefois pour les casuistes et les prédicateurs. Les manuels se sont multipliés comme les grands recueils, et ces sortes d’ouvrages, qui donnent une moyenne de quatre-vingt-dix volumes par année, en présentant la science toute faite, répondent à cette ambition de savoir sans apprendre qui est aujourd’hui si commune.

Les études relatives au droit pénal et au droit administratif ont pris, comme toutes les autres parties de la science, un développement considérable. Dans la législation criminelle, les jurisconsultes ont donné la main aux philanthropes ; dans la législation administrative, ils se sont alliés aux économistes et aux écrivains politiques. Cette dernière science, théoriquement formulée pour la première fois par M. de Cormenin et inaugurée dans l’enseignement en 1835, a produit depuis dix ans d’importans travaux, et elle est devenue la spécialité des maîtres des requêtes, des conseillers d’état et des employés supérieurs des divers ministères.

Les plaidoyers, qui formaient dans les œuvres des anciens jurisconsultes une section importante, ne comptent guère aujourd’hui comme productions littéraires. Malgré la popularité qui entoure le nom de quelques avocats, leur parole n’a d’autre écho que le journalisme, écho fugitif comme elle. Les grands recueils de plaidoiries ont à peu près disparu. Cela tient sans aucun doute au dédain que certains praticiens affichent pour les études littéraires, et surtout aux habitudes d’improvisation dévorante qui ont envahi le barreau, habitudes imposées d’ailleurs aux avocats en renom par la force même des choses et le train des affaires. Ici, en effet, comme dans la médecine, comme dans la littérature, c’est souvent au début qu’il faut chercher les études les plus sérieuses et les succès les mieux mérités ; mais, les succès obtenus, on s’en repose sur la faveur du public, et la réputation, qui a bien aussi ses hasards et qui fait tout affluer vers le même homme, les cliens vers l’homme de loi, les éditeurs vers l’homme de lettres, les directeurs de théâtre vers les dramaturges, la réputation, qui donne la fortune, devient, à un certain moment, un obstacle invincible au travail sérieux. On s’étonne que les journalistes, les romanciers, les écrivains dramatiques, puissent résister à la production accélérée qu’ils s’imposent comme un labeur quotidien. A plus forte raison doit-on s’étonner que les avocats résistent au régime épuisant d’incessante loquacité auquel ils sont soumis[1].

  1. L’indication suivante peut faire juger de la prodigieuse activité des hommes qui se sont fait un nom dans le barreau. Les mémoires imprimés de M. Dupin forment une collection de 20 volumes in-4o ; ses consultations manuscrites 21 volumes in-folio ; les notes et extraits ayant servi à ses plaidoiries 15 volumes, et le registre qu’il a tenu par ordre de dates et de numéros de toutes les causes dans lesquelles il a plaidé porte à plus de quatre mille le nombre de ces causes.