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des prophéties. Or, c’est de la France que partent les prophéties et les lamentations, telles qu’Israël vengé, l’Avenir du Judaïsme, la Régénération d’Israël, et d’autres livres du même genre. Quand les Juifs en Orient, et même chez quelques peuples de l’Europe, sont encore mis hors la loi par un fanatisme intolérant, hors la société par les préjugés d’un autre âge, c’est le consistoire de Paris, c’est M. Crémieux, vice-président de ce consistoire, qui les défend à Damas et au Caire contre une populace féroce, en Italie contre une encyclique sauvage, et, comme témoignage de reconnaissance, on trouve dans la théologie rabbinique des prières en vers hébraïques pour appeler la bénédiction du ciel sur la France, le seul pays du monde peut-être que depuis la chute de Jérusalem aient célébré les harpes exilées de Sion.

La théologie protestante, qui figure dans les tables du Journal de la librairie pour vingt-cinq ouvrages environ par année, a pour principaux centres de production Paris, Strasbourg et Nîmes. Elle compte, outre les livres, vingt-quatre journaux, formant par an cinq cent soixante-deux feuilles d’impression, soit environ vingt-deux volumes in-8o. Dans leurs journaux comme dans leurs livres religieux, les protestans sont aujourd’hui supérieurs aux catholiques leurs contemporains. Ils pèchent encore souvent, comme au temps de Calvin, par la sécheresse et la raideur, mais ils ont du moins la sagesse de ne point mêler la politique et la religion ; ils se préoccupent beaucoup plus qu’on ne le fait dans l’église romaine des questions morales et de la discipline de la vie. Ils ont eu surtout le bon goût et le bon sens de résister à l’envahissement du romantisme et des idées humanitaires ; on peut prendre pour point de comparaison les éloquens sermons de M. Coquerel, président du consistoire de Paris, et les conférences de M. Lacordaire, ou, dans un autre ordre de publications, l’Assomption de la Femme, de M. l’abbé Constant, et le Mariage au point de vue chrétien, de Mlle de Gasparin, ouvrage qui fut simultanément mis à l’index par l’église et couronné par l’Académie française. On trouverait d’un côté un supplément au Mérite des femmes, de l’autre un bon manuel de vertus et de bonheur domestiques.

Quant à la polémique, elle est restée dans le protestantisme ce qu’elle était au XVIe siècle. Les réformés, beaucoup plus agressifs et plus intolérans que les catholiques, en sont encore à débattre les questions qui les occupaient à l’origine. Ils attaquent le purgatoire, l’idolâtrie de la messe, le culte des saints, les reliques juives et païennes de M. l’archevêque de Paris, et ils vivent de Calvin comme leurs adversaires de de Maistre et de Bonald, sans oublier et sans apprendre. Tout en combattant l’église romaine, ou, comme on dit encore quelquefois, le papisme, les protestans se livrent entre eux depuis quelques années, sur le terrain même de la réforme, des batailles fort vives. C’est ce qu’on pourrait appeler la guerre du méthodisme.

Lors de leur apparition en France, vers 1830, les méthodistes, qui prétendaient rétablir dans les églises réformées la pure doctrine de Calvin, altérée au XVIIIe siècle par l’incrédulité philosophique, commencèrent par proclamer, comme M. de Lamennais, l’indépendance absolue de l’église vis-à-vis de l’état, et ils élevèrent, dans le faubourg du Temple, une chapelle sur la porte de laquelle on lisait : Culte non salarié. Leur premier triomphe fut de convertir une trentaine de jansénistes. À la fin de 1833, ils ouvrirent des cours publics, des conférences