Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en faisant seulement la part de la littérature orthodoxe, ou du moins de celle qui s’annonce comme telle, nous trouvons en fait de réimpressions ou d’éditions nouvelles le chiffre suivant par année :

Écriture sainte : 35
Liturgie : 55
Catéchistes et sermonnaires : 50
Apologistes : 90
Polémique : 25
Mystiques : 250
Mélanges : 70

soit pour chaque année un total de 575, soit enfin pour quinze ans un total de 8,525 ouvrages. Sur ce nombre, la popularité est restée uniquement concentrée sur les vieux livres, et c’est là sans aucun doute la plus irrécusable critique qui puisse être faite des livres modernes : de plus, les mystiques formant plus d’un tiers de la production totale, on est autorisé à conclure que, dans l’état actuel des croyances, le côté sentimental prédomine sur le côté pratique, l’aspiration rêveuse et flottante sur la foi réfléchie. Enfin on peut dire aussi qu’à de très rares exceptions près, la littérature religieuse de notre temps est restée au-dessous de sa mission et surtout au-dessous de ce qu’elle a été dans le passé et même pendant la restauration.


III.

Comme appendice à la théologie orthodoxe, les bibliographes ont établi une subdivision dans laquelle ils rangent les déistes, les incrédules, les disciples de la religion naturelle, les Juifs, les hérétiques de toutes les sectes et les illuminés. Commençons par les déistes et les incrédules.

Le seul fait que nous ayons à constater dans cette catégorie, qu’on pourrait appeler la théologie négative, c’est la disparition à peu près complète des écrits brutalement hostiles au christianisme, et dans lesquels l’incrédulité est ouvertement professée, tels que le Testament du curé Meslier, le Citateur de Pigault-Lebrun, etc. Dans les dernières années de la restauration, ces livres se réimprimaient constamment et se vendaient à grand nombre. A la révolution de juillet, ils disparaissent rapidement, au moment même où disparaît la religion de l’état. N’est-ce pas là, nous le demandons, l’argument le plus plausible qu’on puisse invoquer en faveur de la liberté de conscience, dans l’intérêt même de la religion ? Disons-le d’ailleurs pour l’honneur de notre pays, pour l’honneur du catholicisme français : chez aucun autre peuple de l’Europe, cette liberté, l’une des plus précieuses conquêtes de l’esprit moderne, n’est aussi bien comprise, aussi bien respectée qu’en France. Il suffit, pour s’en assurer, de jeter un coup d’œil sur la théologie israélite. Des cinq ou six ouvrages dont se compose chaque année le contingent bibliographique de cette théologie, le tiers au moins a pour objet l’amélioration morale des Israélites, et quelquefois aussi l’amélioration de leur condition sociale, car il est à remarquer que, parmi les Juifs, les discussions politiques même relèvent encore de la théologie, et qu’elles se produisent souvent sous la forme mystérieuse et symbolique des lamentations ou