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époque proclamait précisément le contraire devant une autre académie. — « Le culte vrai et désintéressé de la science s’est affaibli parmi nous, disait M. Guizot en 1837 ; on veut du bruit ou du profit, une prompte satisfaction d’amour-propre ou un avantage matériel. » - Faut-il, dans un sujet aussi grave, en croire le grand poète ou le grand historien ? ou bien encore s’en tenir simplement à cette maxime de Montaigne : « L’écrivaillerie est symptôme d’un siècle débordé. » - Nous ne décidons pas ; nous nous bornons à constater cette contradiction qui éclate à tout instant dans les jugemens portés sur l’époque contemporaine.

Si les avis sont partagés en ce qui touche la question du progrès ou de la décadence, on est d’accord sur la prodigieuse activité des presses françaises, parce qu’ici du moins on peut marcher appuyé sur des données précises. En suivant, depuis les dernières années de l’empire jusqu’à nos jours, le mouvement de la production littéraire ou scientifique, on reconnaît que cette production est aujourd’hui plus que triplée relativement à ce qu’elle était dans les premières années du siècle. Nous donnons ici, comme point de comparaison, le mouvement des presses françaises dans les six premiers mois de l’an X :

Théologie : 25
Mythologie : 2
Philosophie : 46
Législation, jurisprudence : 41
Agriculture, commerce, finances : 42
Antiquités, biographie : 67
Astronomie, géographie, voyages : 26
Peinture, architecture, musique, art militaire : 47
Mathématiques, arithmétique : 19
Botanique, minéralogie : 31
Physique, chimie : 7
Anatomie, chirurgie : 39
Grammaire, dictionnaires, mélanges : 55
Poésie : 57
Théâtre : 53
Romans : 128
Journaux littéraires, ouvrages périodiques consacrés aux sciences et aux lettres, almanachs : 36

Soit en six mois 721 ouvrages, soit enfin pour l’année entière 1,450 environs En 1814, le chiffre est de 2,683. En 1828, il s’élève à 7,616, tandis que l’année 1826 n’en donne que 4,347. Depuis 1830, on est resté constamment au-dessous de 1828 ; mais le nombre des journaux est plus que sextuplé. Ces journaux ont considérablement agrandi leur format en resserrant leur texte. On a, en outre, dans la librairie sérieuse, multiplié les volumes compactes, et il en résulte qu’une quantité de lignes et de phrases égale, sinon plus grande, a été mise dans la circulation. En dressant depuis quinze ans, d’après les tables du Journal de la librairie, qui renferme cependant encore un très grand nombre d’omissions, la moyenne des produits de la librairie française, on se rappelle en souriant cette phrase de Nodier : « Le livre imprimé n’existe que depuis quatre cents ans au plus, et s’accumule déjà dans certains pays de manière à mettre