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lorsque l’on combat, même sans bonheur, pour une cause féconde, et lorsque, ne pouvant atteindre un but glorieux, on le fait luire pourtant aux regards étonnés de la foule.

Quand la révolution de juillet éclata, ce mouvement littéraire, commencé vers 1815, dut s’accroître et se propager. L’Allemagne actuelle date de 1830 ; c’est la commotion politique partie de la France qui a réveillé les ames endormies et ouvert aux intelligences des perspectives profondes. De là une littérature nouvelle, de là des œuvres très mélangées, je l’avoue, très confuses, très irrégulières, mais dont les irrégularités même sont pleines d’intérêt. Le sentiment du monde moderne s’agite au fond de cette poésie contemporaine, et, si plus d’une fois nous avons discuté sévèrement les œuvres qu’elle a produites, cette rigueur attestait notre sollicitude. L’influence des nouvelles années se manifesta d’abord dans le roman, et puis dans la poésie lyrique ; elle devait enfin éclater sur la scène. C’est dans ces derniers temps surtout que la question du théâtre a inspiré aux poètes et aux critiques d’ardentes et sérieuses études. Les scènes importantes de l’Allemagne étaient, comme toujours, en proie aux entrepreneurs littéraires : digne héritier de Kotzebue, fournisseur indispensable des plaisirs publics, M. Raupach mettait régulièrement en drames tous les travaux historiques de M. de Raumer et de M. Ranke. D’un autre côté, beaucoup d’écrivains distingués publiaient des études, des compositions souvent pleines de mérite, mais qui ne devaient ou ne pouvaient jamais subir cette grande épreuve sans laquelle la poésie dramatique n’existe pas. La situation était la même qu’au temps de Schiller et de Goethe. Une jeune et brillante école voulut s’emparer de la scène et en chasser, s’il se peut, tous les Raupach que maudissait Louis Boerne. A Berlin, à Leipzig, à Francfort, à Stuttgart, à Hambourg, dans des villes même moins considérables, à Oldenbourg par exemple, des tentatives courageuses ont été faites. On appelle dramaturge, en Allemagne, le critique qui surveille les destinées d’un théâtre, qui sert de conseiller à la direction et d’interprète auprès du public, et qui, chaque jour sur la brèche, fait l’éducation du peuple en le préparant à l’intelligence de l’art. C’est le rôle que Lessing a rempli à Hambourg pendant deux années, et la Dramaturgie de Hambourg n’est autre que le recueil des critiques, des leçons, des arrêts du célèbre écrivain, à l’occasion des rouvres représentées sur la scène dont les intérêts littéraires lui étaient confiés. Chaque théâtre a son dramaturge, comme il a parfois son poète ordinaire. Or, poètes et dramaturges, inventeurs et critiques, redoublent d’activité depuis bientôt dix ans. La pléiade est presque complète ; nommons, parmi les critiques, M. Roetscher à Berlin, et M. Adolphe Stahr à Oldenbourg ; parmi les poètes, M. Gutzkow, M. Julius Mosen, M. Prutz et M. Henri Laube. De tous ces écrivains, celui qui, malgré des défauts bien graves, occupe peut-être le premier rang, celui du moins qui, par son activité,