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populaires. Cependant ce n’est pas à eux qu’on a fait remonter le blâme que soulèvent certains articles de la nouvelle loi. M. le marquis Capponi vient de publier un examen critique de la loi, à la rédaction de laquelle il a concouru en sa qualité de membre de la consulte d’état. Il reconnaît qu’elle est compliquée et surchargée de détails, mieux placés dans un règlement que dans une loi organique ; telle qu’elle est néanmoins, elle offre des garanties que ne présente pas celle de Rome, à laquelle on la compare. Au surplus, il serait oiseux de rechercher minutieusement en quoi elle se rapproche ou s’éloigne de la loi romaine ou de la loi française, qui en est le type. La loi toscane a dû être appropriée aux coutumes et à l’esprit du pays. Les Toscans depuis une année ne pèchent que trop par excès d’imitation. On pourrait observer seulement que, les traditions de l’Italie n’étant rien moins qu’unitaires, il convient, sans les choquer trop ouvertement, de faire concorder entre elles toutes les réformes qui s’opèrent simultanément sur les divers points de la péninsule, et, tout en s’accommodant aux tendances particulières, de préparer le rapprochement des états italiens par la similitude des codes, le rapport des institutions, l’union des douanes, l’unité de monnaies, et un réseau de chemins de fer commun.

C’est à la question du Zollverein italien que se rapporte la mission à Turin de M. Martini, secrétaire-général du ministère des affaires étrangères de Toscane. Jusqu’à ce jour, la Toscane n’avait traité avec le Piémont que par l’entremise de l’ambassadeur d’Autriche. Cette détermination nouvelle, importante en elle-même, aurait été prise de concert avec le pape, et l’envoyé de Toscane devrait joindre ses efforts à ceux de monsign. Corboli-Bussi, qui, avant d’aller à Turin, s’est abouché avec le grand-duc à son passage à Florence. L’union douanière est la base et une des conditions essentielles de la ligue politique dans laquelle l’Italie doit trouver son salut. Comment le roi Charles-Albert, qui affecte de se montrer si zélé pour l’indépendance nationale, n’accéderait-il pas à une alliance étroite qui, mieux que tout secours étranger, tiendrait l’Autriche en respect ? Il est vrai que, tout en manifestant en mainte occasion son dévouement au saint-siège et ses sympathies pour la cause italienne, le roi de Piémont est beaucoup moins explicite quand il s’agit de concessions à faire à l’opinion libérale. Il ne procède guère que par voie de réformes administratives, et redoute la contagion des idées libérales. Nous ne pensons pas que les idées s’arrêtent aux barrières de douanes, et d’ailleurs l’exemple de ce qui se passe dans les autres parties de l’Italie ne prouve-t-il pas que les princes trouvent un plus solide appui dans la satisfaction accordée aux besoins et aux légitimes désirs de leurs sujets que dans les répressions violentes ? L’insurrection de la Sicile et des Abruzzes nous reporte aux calamités de 1820. Les arrestations en masse, l’espionnage, les condamnations et le massacre des prisonniers, telles sont les nouvelles qui transpirent à travers les frontières impénétrables de ce malheureux pays. La révolte paraît avoir pris des proportions considérables. Si des réactions terribles n’en devaient être la suite, on serait presque tenté de souhaiter, dans l’intérêt de la cause italienne, un prompt succès aux troupes royales. Le triomphe momentané des révoltés serait le coup de mort de la révolution qui s’accomplit dans le reste de l’Italie, et à laquelle Naples n’était point encore préparé. L’Autriche aurait, dit-on, déjà demandé au pape le passage à travers ses états d’un corps de troupes. Si le pape s’y refuse, ne se trouverait-il pas, en quelque sorte, engagé à intervenir lui-même auprès du roi de Naples pour lui conseiller la clémence, auprès