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tures par lesquelles on a voulu épouvanter l’opinion, le pays sait très bien qu’il ne marche pas à l’abîme, et que notre époque n’est pas le triomphe d’une corruption inouïe jusqu’à nos jours. Ces déclamations commencent même à s’user, et elles ont eu peu de prise sur le bon sens public ; mais, si le pays est calme, il est exigeant ; s’il ne s’associe pas aux adversaires passionnés de nos institutions, c’est qu’il les croit efficaces et espère les voir fécondes ; en un mot, s’il n’est pas révolutionnaire, il ne veut pas non plus rester immobile. Ces instincts sont excellens, et tout notre désir est que le pouvoir s’en inspire. De cette façon, il maintiendra à la politique conservatrice son véritable caractère, et il ralliera cette majorité si nombreuse qui cherche de bonne foi à traduire et à satisfaire par ses actes l’esprit du pays.

Pourquoi cette majorité s’est-elle ébranlée dans la dernière session ? C’est surtout parce qu’elle n’a pas cru trouver dans le pouvoir une allure assez résolue pour accomplir les réformes dont elle avait le pressentiment et la pensée. Alors elle s’est divisée, et l’on peut se rappeler les conséquences fâcheuses de ses déchiremens. On évitera ces périls par une politique nette et décidée, qui satisfasse dans une juste mesure les deux tendances qui se partagent la majorité, maintenir et améliorer. Pourquoi l’opinion conservatrice et le gouvernement s’affaibliraient-ils de gaieté de cœur en acceptant toutes les apparences d’une politique obstinément stationnaire ? Questions politiques, questions financières, tout appelle au plus haut degré de la part du ministère non-seulement une active vigilance, mais nous dirions volontiers un esprit de création, d’invention. Nous croyons que, dans la sphère des problèmes politiques, la tâche du pouvoir n’est pas accomplie, parce qu’il aura répondu par une résistance systématique à toutes les théories de l’opposition. Les questions financières joueront un grand rôle dans la session prochaine ; sur ce point, le cabinet a pris des engagemens qu’à coup sûr il ne songe pas à éluder, mais qui ne sont pas toujours faciles à accomplir, il faut l’avouer. L’emprunt est ajourné. Le gouvernement a eu raison de ne pas se hâter de le conclure, s’il s’est effectivement trouvé en face d’exigences excessives de la part des hommes d’affaires et de finances. Est-il vrai que ces derniers avaient la prétention d’imposer certains engagemens fort onéreux, comme l’obligation d’introduire de nouveaux changemens dans les lois relatives aux chemins de fer, comme la promesse d’élever le taux des cautionnemens des fonctionnaires publics ?

La mort de M. Coletti est le plus grave des incidens extérieurs qui aient signalé ces derniers temps. Cet homme énergique a succombé au milieu de ses efforts pour fonder dans son pays le régime représentatif, pour donner à la Grèce une organisation administrative qui pût assurer son avenir. Sur quelques points, ses efforts avaient été heureux. Les dernières élections lui avaient apporté une majorité considérable ; il allait, avec cet appui, tenter de résoudre les difficultés diplomatiques et financières qu’il avait exposées avec franchise dans le discours de la couronne, quand un mal dont déjà l’an dernier il avait reçu les atteintes l’a enlevé en moins de quinze jours à cette tâche laborieuse et patriotique. Dans quelles mains cette tâche va-t-elle tomber ?

Ce qui préoccupait surtout M. Coletti au moment même où sa santé recevait un choc qui devait être mortel, c’était le désir de trouver un remède aux embarras pécuniaires de la Grèce, embarras qui se reproduisent avec une gravité