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principes exclusifs ne conviennent guère à de grands établissemens comme la banque d’Angleterre, agissant immédiatement sur le crédit public, sur les destinées du commerce, et forcés de satisfaire souvent à des obligations urgentes et imprévues. De même que l’industrie, en domptant la vapeur, prend ses précautions contre des soulèvemens subits, de même, dans le mécanisme des banques nationales, il faut se ménager pour les secousses inopinées, pour les cas extraordinaires, la facilité d’un traitement exceptionnel.


IV.

Plus qu’aucun autre pays de l’Europe, l’Angleterre, avec son vaste établissement manufacturier et les exigences de sa politique commerciale, a besoin de garanties solides contre les déchiremens de l’ordre économique. Nulle part les embarras monétaires ne sauraient avoir des conséquences aussi rapides et aussi désastreuses. Avec des finances en désordre, tel peuple pourrait se soutenir tant bien que mal ; mais l’Angleterre verrait aussitôt crouler sa fortune. Supposez le crédit ruiné, et cet empire si étendu n’est plus qu’un colosse aux pieds d’argile. Aussi avec quelle sollicitude les hommes d’état ne s’y préoccupent-ils pas des questions financières ! il n’en est aucun qui songeât à prendre les affaires sans avoir sous ce rapport un système arrêté. On ne pourrait pas, comme chez nous, se traîner paisiblement dans l’ornière des vieux budgets, et ajourner à un lendemain reculé sans cesse la nécessité de rétablir l’équilibre entre les recettes et les dépenses. Ne vit-on pas tomber le ministère Melbourne devant un déficit qu’il s’évertuait en vain à remplir ? Si cette impuissance n’était pas alors la seule cause de la chute des whigs, ce fut une circonstance dont l’opposition tory sut profiter à merveille. Tout l’éclat de la dernière administration de sir Robert Peel, malgré l’erreur partielle commise dans la constitution de la banque, vient au contraire de la hardiesse et de l’ampleur de ses plans financiers. C’est par là que ce ministre a surtout influé sur les destinées de son pays, c’est par là qu’il sera classé dans l’histoire. La tâche de lord John Russell paraît être aujourd’hui d’accomplir dans le régime de la circulation une réforme dictée par l’expérience et destinée à mitiger le principe de l’isolement. Telle est pour l’Angleterre la conclusion pratique à tirer de la crise de 1847.

Les nations étrangères, et la France en particulier, peuvent aussi, au point de vue politique, interroger avec profit le grave dérangement que le royaume-uni a éprouvé cette année. Quand on cherche à embrasser d’un coup d’œil l’ensemble de la puissance anglaise, on est frappé des vastes proportions de cet empire et des ressources dont il semble disposer. Une situation que la nature à rendue à peu près inattaquable, une marine militaire qui dépasse par ses développemens toutes les marines étrangères, des ports où afflue le commerce du monde entier, les mers les plus lointaines sillonnées par les navires des armateurs anglais, le pavillon des trois royaumes flottant sur tous les points du globe qui dominent les grandes routes suivies par le commerce, des possessions coloniales dont il serait impossible de mesurer la grandeur et où la population se compte par centaines de millions, l’Océanie presque tout entière livrée aux âpres et courageuses exploitations de la race anglaise, tels sont les traits principaux sous lesquels se dessine le colosse britannique. Si on veut pénétrer ensuite