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été écartées par la grande autorité financière de sir Robert Peel, elles reviendront dans le parlement nouveau. Tout en sauvegardant les bases du système de la banque, sir Robert Peel lui-même (ses explications à la chambre des communes au mois de mai 1847 en font foi) n’a pas paru opposé à la pensée d’une modification partielle. Le silence qu’il a gardé dans son manifeste électoral, où il énumérait complaisamment les actes de son administration, n’indique-t-il pas chez lui des doutes sur la perfection du mécanisme actuel ? Lord John Russell a tenu, assure-t-on, plusieurs conférences sur le régime de la circulation, soit avec quelques-uns de ses collègues, soit avec des hommes haut placés dans la finance. Il serait prématuré néanmoins d’annoncer un projet de réforme ; en attendant, la question est débattue dans la presse périodique et donne lieu à de nombreuses publications qui prennent pour champ de bataille le bill de 1844. Cette polémique ne se renferme point dans le cercle des écrivains qui s’occupent d’économie financière ; elle agite la masse énorme d’intérêts qu’embrasse le mouvement général des affaires du pays. Si on interroge en même temps les faits constatés par l’expérience et les principes les plus sûrs en matière de crédit, il n’est pas difficile de discerner dans cette polémique les reproches fondés des accusations sans justice. Il n’est pas difficile non plus d’y trouver des preuves nouvelles de la fausseté du principe de l’isolement financier. Envisagée comme cause de la crise de 1847 et comme démonstration d’une erreur économique, la constitution de la banque d’Angleterre, objet en ce moment d’attaques si passionnées, mérite doublement de nous arrêter.


III.

Parmi les écrits qui battent en brèche la charte de la banque d’Angleterre, on a surtout remarqué une brochure dans laquelle lord Ashburton (M. Baring) se pose en adversaire déterminé des restrictions légales apportées à l’émission des bank-notes. Sans partager sur tous les points les vues exprimées par l’auteur de the financial and commercial Crisis considered, nous rendons un plein hommage à sa longue expérience, à sa pénétration bien connue, qui se révèlent souvent dans son ouvrage par des traits lumineux. Il y a là des critiques dont nous reconnaissons entièrement la justesse, bien qu’elles ne nous paraissent pas autoriser les conclusions extrêmes que lord Ashburton croit pouvoir en déduire. Nourri dans les traditions d’une école accoutumée à ne tenir aucun compte des principes économiques, l’auteur traite la science avec un dédain qu’il est peu séant d’afficher aujourd’hui.

Un autre écrit, the Crisis and the Currency par M. John Kinnear, renferme une foule de faits et de raisonnemens présentés avec adresse au profit d’une opinion qui débute, comme celle de lord Ashburton, par condamner le régime de la banque pour aboutir à proposer d’introduire en Angleterre le système des banques écossaises par actions. La multiplicité de ces établissemens paraît à l’auteur une cause de sécurité pour le crédit, tandis que le bill de 1844 regarde l’unité comme la meilleure garantie. La comparaison entre les deux mécanismes ne manque pas d’intérêt ; mais, avant de soutenir que l’Angleterre doive rétrograder dans la voie de la centralisation financière, il faudrait démontrer que la