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de l’établissement était pourtant, en réalité, moins gênée qu’au mois d’avril, et le fonds des dépôts (deposit reserve) plus largement fourni.

On connaît le but de ces augmentations successives ; on sait quel résultat ambitionnait la banque d’Angleterre en rendant ses escomptes plus onéreux pour le commerce. Fidèle aux règles de sa constitution légale, elle visait à maintenir le rapport entre ses billets et sa réserve, et, en retirant ses bank-notes de la circulation, à empêcher la sortie du numéraire. Ce calcul a pour fondement ce principe de la science économique, que les espèces se retirent de la circulation exactement d’après la proportion où les billets de banque y sont entrés. Sans admettre rigoureusement, avec l’école d’Adam Smith et de Ricardo, que le titre commercial appelé billet de banque se substitue toujours à l’argent, il nous paraît impossible de contester que les grandes émissions de papier tendent à diminuer la masse des valeurs métalliques, remplacées en partie par des billets dans une foule de transactions. En thèse générale, quand le change devient contraire, quand le numéraire sort d’un pays, la diminution des billets est susceptible de retenir la portion de l’argent devenue nécessaire pour les échanges quotidiens.

Ces principes, que la science peut généraliser fort à son aise, se trouvent cependant affectés dans la pratique par une foule d’incidens imprévus. Mille circonstances semblent se complaire à bouleverser des calculs purement spéculatifs. Que le théoricien se montre inflexible, qu’il presse son idée jusqu’à ses conséquences extrêmes, ce n’est pas là un mal bien grave ; mais un gouvernement doit savoir transiger avec certaines circonstances impérieuses. Ainsi, dans la crise de cette année, le resserrement de l’escompte, la diminution de la circulation, pouvaient-ils empêcher qu’on eût à payer en espèces les expéditions extraordinaires d’Odessa et de la Nouvelle-Orléans ? L’influence de la mesure prise par la banque ne se trouvait-elle pas, sinon annulée, du moins considérablement amoindrie ? De ce que la Grande-Bretagne demandait à l’extérieur un plus large approvisionnement en céréales, il ne s’ensuivait pas, par exemple, que les pays d’où elle le tirait dussent avoir besoin d’une plus forte quantité de cotonnades de Manchester. « S’il nous faut deux sacs de blé au lieu d’un, a-t-on dit fort sensément, les étrangers ne porteront pas pour cela deux chemises et deux habits. » La théorie se heurtait contre une véritable nécessité de salut public. Eût-on retiré de la circulation tous les billets émis, qu’il eût encore fallu payer au dehors la même somme en espèces. La crise actuelle aurait donc exigé qu’on apportât quelques tempéramens dans l’application des principes rigoureux de la science économique. Mais ici se présente une question préjudicielle : le bill de 1844 laissait-il à la banque d’Angleterre sa pleine liberté d’action ? S’il en était autrement, ce ne serait plus la direction, mais la constitution même de cet établissement qu’il faudrait rendre en grande partie responsable d’un malaise que des mesures mieux appropriées aux circonstances eussent pu considérablement atténuer. Or, on n’en saurait douter, la liberté d’action a manqué à la banque. Le bill qui l’avait constituée en 1844 lui traçait d’avance la marche à suivre en présence des premiers symptômes alarmans. Le taux de l’escompte fut donc élevé, et cette mesure, imposée à la cour des directeurs par la loi même, réagit dès-lors sur toutes les causes secondaires de la crise, qu’elle aggrava rapidement.

Le renchérissement du capital a été la conséquence immédiate des augmentations