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impôts soient répartis de la manière la plus équitable possible, et que la société ait fait dans l’intérêt des classes nécessiteuses tout ce que comporteraient et la sympathie pour leurs souffrances et le soin de sa propre sécurité. Il y a certainement beaucoup à innover dans le système économique, et l’on ne persuadera à personne qu’il n’y ait pas aussi quelque chose à corriger dans le système électoral, quelques modifications à apporter dans les rapports de dépendance établis entre les électeurs et les élus, entre certains élus et le pouvoir, dont ils dépendent trop étroitement. Il existe là des questions que la conscience publique ne pouvait méconnaître, et qu’on ne supprimerait point en les niant. Nous sommes persuadés que le pouvoir en est aussi convaincu que nous, qu’il le déclarera nettement, tout en énonçant la volonté arrêtée de choisir l’instant le plus favorable pour toucher à des intérêts aussi graves et aussi délicats ; nous croyons enfin que dès cette session une large satisfaction sera donnée à ce qu’il y a d’immédiatement applicable dans les griefs exposés depuis plusieurs années.

La loi de douane fournira une occasion naturelle d’examiner ce qui se rapporte au mécanisme de nos tarifs, et de manifester la ferme intention des pouvoirs publics de maintenir l’ensemble de notre système protecteur, tout en débarrassant celui-ci des exagérations qui le compromettent, et qui atteignent quelquefois la production industrielle et la puissance maritime du pays dans ses sources. Les débats de la loi sur l’instruction secondaire, qui paraissent devoir inaugurer la session, soulèveront les plus hautes questions morales, et auront, on peut l’espérer, pour résultat d’amener la conciliation depuis si long-temps souhaitée par tous les hommes sincères ; enfin il est aujourd’hui certain qu’une loi générale de finances, présentée en même temps que le budget, quoique distincte de celui-ci, constituera l’impôt du sel sur des bases toutes différentes, supprimera les inégalités de taxe qui existent en matière postale pour les zones éloignées, et comblera les déficits que ces réformes ne peuvent manquer d’amener par un remaniement des impositions indirectes qui affectera particulièrement l’impôt des boissons. Nous tenons ces idées pour excellentes, et nous croyons qu’elles peuvent suffire à défrayer la session ; mais que le cabinet se tienne pour assuré qu’il ne les fera prévaloir qu’en imposant ses plans à ses amis comme à ses adversaires. S’il se laisse entamer par les intérêts locaux, s’il n’est pas résolu à engager sa responsabilité et, au besoin, son existence dans le vote des compensations financières réclamées, on arrivera infailliblement à ce résultat, que toutes les suppressions seront consenties et toutes les augmentations repoussées. L’adoption d’un plan financier est une œuvre d’ensemble, et le parti conservateur ne peut manquer d’en comprendre le caractère essentiellement politique.

La gauche abordera la tribune en sortant de table ; mais nous doutons que la fumée du champagne, versé d’ailleurs avec sobriété dans les banquets réformistes, trouble assez sa vue pour l’empêcher de voir tout ce qu’elle a perdu dans cette campagne imprudente. La France l’a vue cédant presque partout le terrain sans combattre, et là même où elle conservait la direction du mouvement, osant à peine confesser les vérités fondamentales du symbole constitutionnel ; le pays a acquis la conviction que ce parti, avec l’incertitude de ses vues et l’hésitation de ses allures, n’offrirait qu’une résistance bien courte et bien vaine aux passions audacieuses qui se cachent derrière lui. Des imputations générales de corruption et d’abaissement ne suffisent pas pour constituer un