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légales. De là quelques écrits récens, échos des conversations du salon ou des plaintes de l’atelier, produits des souvenirs de la polémique quotidienne ou élucubrations de la rêverie solitaire, rêves du passé ou de l’avenir, en tout livres de circonstance, quoiqu’ils affichent des prétentions plus hautes, qui, jetés au milieu des tempêtes politiques, n’eussent éveillé aucun écho, mais qui, tombant sur le flot silencieux, font assez de bruit pour être remarqués par le passant que rien ne distrait alentour. Comme retentissement des rumeurs de la place publique ou de ce qui se dit tout bas et quelquefois tout haut dans certains cercles, ces livres méritent l’examen. La bourgeoisie si attaquée ne doit pas se laisser jeter à la face le mot de Camille Desmoulins : « Brûler n’est pas répondre. » Elle aurait mauvaise grace, elle sortie de la discussion et née d’une lutte contre la force, à se servir de cette dernière raison des pouvoirs établis. Dans un temps d’ailleurs où l’examen des erreurs est non-seulement un droit, mais un devoir de citoyen, il serait à craindre que le silence ne fût pris trop aisément ou pour de l’approbation, ou pour l’impuissance de trouver une réplique qui vaille. C’est là une pensée, en ce qui concerne le régime représentatif, que ceux qui ont quelque souci de la vérité politique ne doivent pas laisser s’accréditer.

Ce qui distingue ces productions, c’est l’uniformité des critiques adressées au gouvernement constitutionnel. Nous voudrions montrer qu’elle ne prouve rien contre ce régime. Si quelque chose, au contraire, est de nature à rassurer, c’est la perpétuité même de ces attaques, qui, toujours répétées, n’ont empêché le régime représentatif ni de s’établir, ni de s’implanter chaque jour davantage dans les esprits et dans les mœurs. Chose digne de remarque, les adversaires de cette forme de gouvernement tournent identiquement dans le même cercle d’idées et de négations ; leurs critiques consistent toutes à relever, au nom de la logique, tous les abus possibles, toutes les inégalités du mélange des pouvoirs, à en exagérer les défauts réels, et à jeter un voile sur les excès des pouvoirs absolus ou des pures démocraties. Ainsi, ayant deux poids et deux mesures, ils se montrent fort indignés de toutes les imperfections que le mécanisme constitutionnel peut révéler ; ils ferment complètement les yeux sur les vices, les excès, les crimes des monarchies ou des républiques. Leur tactique ordinaire, surtout quand ils partent de l’idée du droit, est l’emploi exclusif du raisonnement, qui, on ne le sait que trop, est loin d’être toujours d’accord avec la réalité et la nature humaine. C’est au nom d’un principe simple qu’ils jugent le gouvernement représentatif, c’est-à-dire une œuvre de conciliation entre des principes divers, et, à ce point de vue purement théorique, il ne leur est pas difficile de relever les difficultés de l’accord et de les convertir en impossibilités absolues : polémique commode qui, pour son compte, néglige et nie l’expérience, se réserve l’idéal, et ne fait entrer la réalité dans ses calculs que contre ses adversaires. C’est là du moins le procédé constant des théories radicales. Quant aux théories absolutistes, comme elles sont généralement fondées sur le mépris de la nature humaine, elles font ordinairement moins de façons. Le gouvernement constitutionnel admet des tempéramens au pouvoir, lui donne pour origine le droit et l’élection. Ces théories, au contraire, ne reconnaissent que la nécessité, l’empire du fait, et un pouvoir tempéré n’est à leurs yeux qu’un pouvoir énervé et destiné à périr dans les convulsions de l’anarchie. Tels sont les vieux erremens que