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elles s’irritent également et par un excès d’attention et par un excès de dédain. Le plus sûr moyen de leur donner de l’importance, c’est de les flatter ou de les braver. La tâche du médecin, c’est-à-dire en ce cas de l’homme d’état ou de l’écrivain politique, se borne à examiner si ce malade, qui ne se donne pas un jour à vivre, n’est qu’un esprit frappé, inquiet sans raison, et, pour ainsi dire, à plaisir, ou s’il ne fait que s’exagérer une affection réelle, au moins dans son germe. A Dieu ne plaise que j’entende dire par là que nous en soyons à ce point où l’on considère son mal comme incurable ! Non, telle n’est pas fort heureusement notre situation. Les faiseurs d’oraison funèbre sont en très notable minorité devant l’opinion, et ce qui est de nature à raffermir les timides, c’est que le plus grand nombre de ces médisans, qui exhalent tant de mauvaise humeur contre le gouvernement constitutionnel, sont peut-être dans son propre camp gens qui, pour avoir vu de près quelques-uns de ses inconvéniens, ou pour n’avoir pas recueilli tout le fruit personnel qu’ils se croyaient en droit d’en attendre, trouvent doux et commode de déclamer contre un régime auquel ils se rattacheraient de toute l’énergie de leurs convictions véritables au jour des révolutions. Ne négligeons pas des symptômes assez fréquens, peut-être assez vifs, mais gardons-nous de les croire plus décisifs, plus généraux qu’ils ne sont.

Nous ne nous proposons pas d’expliquer cette situation d’esprit ; nous ne cherchons pas le mot de ces inquiétudes récentes qui font remonter tous les abus, tous les vices, même ceux de la nature humaine, au gouvernement représentatif comme à leur source. Faut-il en accuser ceux qui gouvernent ? Faut-il s’en prendre à la mobilité de l’opinion publique ? Est-ce une démangeaison d’innover sans fin, selon le mot de Bossuet ? Est-ce l’effet d’un légitime besoin de réformes qui réagit contre les échecs qu’il éprouve ? Thèse pratique d’un intérêt actuel incontestable, auquel on ne peut demeurer indifférent, mais que nous écartons, jaloux de ne voir que les principes qu’on cherche à engager, selon nous bien à tort, dans la discussion présente. Nous ne voulons que constater un fait et en chercher, en apprécier la manifestation dans les expressions les plus sérieuses de la pensée publique, dans les livres. Or, à ce point de vue, ce qui n’est pas douteux, c’est que nous soyons dans un de ces temps d’arrêt où, faute d’actions d’éclat qui nous remuent, d’activité qui nous satisfasse ou nous agite, plusieurs de ceux qui trouvent que les choses vont trop lentement ou vont mal s’en prennent à la fois et à l’opposition constitutionnelle, qui, selon eux, ne sait pas voir les vrais problèmes, et au gouvernement, qui ne veut pas les aborder. Faisant donc passer l’attaque par-dessus la tête du gouvernement et de l’opposition, ils en veulent à la constitution même, ils cherchent le vice d’une situation difficile dans un mécanisme gouvernemental trop relâché, disent-ils, pour fonctionner avec suite et vigueur sous la main du pouvoir, trop plein d’entraves pour donner assez de jeu aux mouvemens de la liberté. Ainsi, unissant leurs forces, parfois même confondant leurs rangs, les amis de l’absolutisme, soit qu’ils invoquent le roi, soit qu’ils invoquent l’état, et ceux qui se plaignent que la part est mesurée d’une façon inique à la liberté, aux droits populaires, s’entendent pour battre en brèche l’édifice représentatif. Ils le critiquent comme faible et irrégulier, comme mesquin et étroit, et ils demandent d’autres remèdes que les remèdes constitutionnels, d’autres combinaisons que les combinaisons