Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la dédicace qu’il présente à sa majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine.

Je dois ajouter que les acteurs italiens, sachant tous un peu notre langue, prirent peu à peu l’habitude, pour être mieux compris, d’entremêler leur dialogue d’un certain nombre d’expressions françaises. Quelquefois même ils se hasardèrent à improviser dans les deux langues de piquantes parades, vraies satires politiques, dont la hardiesse était un peu émoussée par la demi-obscurité de leur jargon. Je trouve une de ces Atellanes agréablement racontée dans le Journal de Henri IV, d’où je m’étonne que tant d’auteurs, qui ont écrit sur le théâtre, m’aient laissé le plaisir de la tirer. Comme c’est à l’hôtel de Bourgogne que cette petite pièce a été représentée en 1607, et que nous connaissons les titres des ouvrages joués cette année par les comédiens français, dont aucun ne ressemble à la parade que nous a conservée l’Étoile, on est, ce me semble, fondé à l’attribuer à une troupe venue d’Italie. Je ne puis mieux faire que de laisser parler l’Étoile :


« Le vendredi 26 de ce mois (janvier 1607) fut jouée à l’hôtel de Bourgogne à Paris une plaisante farce, à laquelle assistèrent le roy, la reine et la plupart des princes, seigneurs et dames de la cour. C’étoit un mari et une femme qui querelloient ensemble ; la femme crioit après son mari de ce qu’il ne bougeoit tout le jour de la taverne, et cependant qu’on les exécutoit tous les jours pour la taille qu’il falloit payer au roy, qui prenoit tout ce qu’ils avoient, et qu’aussitôt qu’ils avoient gagné quelque chose, c’étoit pour lui et non pas pour eux. — C’est pourquoi, disoit le mari se défendant, il en faut faire meilleure chère ; car, que diable nous serviroit tout le bien que nous pourrions amasser, puisque aussi bien ce ne seroit pas pour nous, mais pour ce beau roy. Cela fera que j’en boirai encore davantage et du meilleur. J’avois accoutumé de n’en boire qu’à trois sols ; mais, par Dieu ! j’en boirai dorénavant à six pour le moins. Monsieur le roy n’en croquera pas de celui-là. Va m’en quérir tout à cette heure et marche ! — Ah ! malheureux ! répliqua cette femme et à belles injures, merci Dieu ! vilain, me veux-tu ruiner avec tes enfans ? Ah ! foi de moi, il n’en ira pas ainsi. Sur ces entrefaites, voici arriver un conseiller de la cour des aydes, un commissaire et un sergent, qui viennent demander la taille à ces pauvres gens, et, à faute de payer, veulent exécuter. La femme commence à crier après ; aussi fait le mari qui leur demande qui ils sont. — Nous sommes gens de justice, disent-ils. — Comment ! de justice ! dit le mari. Ceux qui sont de justice doivent faire ceci, doivent faire cela, et vous faites ceci et cela (décrivant naïvement en son patois toute la corruption de la justice du temps présent). Je ne pense point que vous soyez ce que vous dites. Montrez-moi votre commission. — Voici un arrêt, dit le conseiller. Sur ces entrefaites, la femme s’étoit saisie subitement d’un coffret sur lequel elle se tenoit assise ; le commissaire, l’ayant avisé, lui fait commandement de se lever de par le roy et leur en faire l’ouverture. Après plusieurs altercations, la femme