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dirigée contre Milton. On a prétendu que ce grand poète, ayant vu représenter l’Adamo, ou l’ayant lu, ce qui est plus vraisemblable, y avait pris l’idée de son Paradis perdu. On s’est particulièrement appuyé sur l’identité des personnages. On voit, en effet, figurer dans la pièce italienne, comme dans le poème, Adam et Ève, le Père éternel, l’archange Michel, Satan, Béelzebuth, Lucifer, des chœurs de séraphins et de chérubins, des bandes d’esprits élémentaires, ignés, aériens, aquatiques, infernaux, les sept péchés mortels, le monde, la mort, la faim, la chair, la vaine gloire et le serpent. Mais que prouvent ces ressemblances ? Ne sont-ce pas là les mêmes personnages que nous trouvons dans toutes les diableries, dans toutes les moralités, dans tous les mystères des XVe et XVIe siècles ? Il importe, en vérité, assez peu que Milton ait vu ou lu l’Adamo. La gloire de l’Homère anglais est tout entière dans les grandes et originales fictions dont il a su orner, sans disparate, le vieux thème biblique (le pont jeté sur le chaos, le compas qui sert au Père éternel à mesurer les mondes, etc.) ; ces grandioses créations appartiennent bien évidemment à son fier et vigoureux génie ; le reste n’est rien.

La dédicace de l’Adamo inspira à Marie de Médicis le désir de connaître l’auteur et sa troupe. Andreini s’empressa d’obéir à l’ancienne protectrice de sa mère et demeura à Paris jusqu’en 1618, jouant l’ancien répertoire des Gelosi et le sien propre, soit à la cour, soit, d’accord avec les comédiens français, sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne. Il fut rappelé à Paris en 1621, et y séjourna jusqu’à la fin du carnaval de 1623, ayant pendant ces deux années représenté avec applaudissemens et fait imprimer, à Paris même, cinq ou six pièces de sa façon. Après un court voyage au-delà des monts, il vient encore passer à Paris l’année 1624 et le commencement de 1625. C’est alors qu’il fit, dans le Teatro celeste, ses adieux à la France et au théâtre, résolution que lui inspira peut-être la mort récente de son père et qui se dissipa avec ses regrets. Cependant, s’il est resté vingt-cinq ans encore engagé dans la carrière théâtrale, nous ne croyons pas qu’il ait revu la France, où des talens nouveaux et plus jeunes, Scaramuccia, Scarpino, Trivelino, commencèrent à se montrer et à s’emparer de la faveur publique.

On voit, quoi qu’en aient dit les frères Parfait, qu’il n’est nullement impossible de retrouver les traces des diverses troupes italiennes qui, de 1570 à 1645, sont venues récréer la France. Nous avons tâché de donner une idée de ces compagnies et de leur personnel. Cherchons à présent quelle sorte d’ouvrages elles représentaient.

Le répertoire des acteurs italiens se composait de deux sortes de pièces entièrement différentes : c’étaient 1° des comédies à l’impromptu, jouées sur des canevas que l’on affichait dans la coulisse et que brodait