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la reine de cette troupe. Les frères Parfait, qui nous ont appris si peu de chose sur Isabella, ont pourtant cité deux échantillons des hommages poétiques qui lui furent prodigués par les beaux esprits de France. L’une de ces pièces est un sonnet du sieur de la Roque, auquel ils en auraient pu joindre un second qui n’est ni plus ni moins mauvais ; l’autre pièce est une requête en vers présentée par Isaac du Ryer à la belle actrice pour l’engager au nom du public à ne pas quitter la France. Du Ryer a inséré cette galante supplique dans un volume de vers qu’il a modestement et trop justement intitulé le Temps perdu.

Cependant, malgré de si flatteuses instances, Isabella quitta Paris. Arrêtée à Lyon par un accident funeste, elle y mourut, comme je l’ai dit. Cet événement fut le signal de la dispersion des Comici Gelosi. Francesco Andreini, frappé dans son affection la plus chère, ne voulut plus traîner sur la scène la rapière de capitan, et ne s’occupa plus du théâtre que comme écrivain[1]. J.-B. Andreini prit la même résolution, qu’il ne tint pas comme son père. Flaminio Scala, fatigué de ses vingt-huit années de travaux dramatiques, quitta la scène pour vaquer à l’impression de ses ouvrages et aider son ami Francesco dans la publication de quelques écrits qu’Isabella avait laissés manuscrits. Le reste de la troupe se dispersa : les uns s’associèrent aux Comici Uniti, les autres aux Confidenti ; mais la véritable héritière de la gloire des Gelosi fut une compagnie nouvelle, dont aucun des historiens du théâtre italien en France n’a même prononcé le nom, quoiqu’elle ait, pendant quarante-sept ans, brillé du plus vif éclat dans toute l’Europe ; je veux parler de la troupe des Comici Fedeli, dont J.-B. Andreini prit la conduite vers 1605, et qui, plusieurs fois renouvelée, ne se sépara qu’en 1652, lorsqu’enfin le poids des années força son actif directeur à dire un adieu définitif au théâtre. Les principaux acteurs de cette compagnie pendant les vingt premières années de son existence furent Gio.-Paolo Fabri, qui avait commencé à se distinguer dans la troupe des Comici Uniti, sous le nom de Flaminio ; Niccolo Barbieri, qui rendit si célèbres le masque et le nom de Beltrame, et qui, vers 1625, devint aussi directeur de troupe ; une jeune et belle Milanaise, Verginia Ramponi, que J.-B. Andreini avait épousée en 1601, à Milan,

  1. Le Quadrio et les écrivains qui l’ont suivi ont gravement erré en disant que Fr. Andreini prit le rôle de capitan après la mort de sa femme ; c’est le contraire. Parmi les ouvrages que Francesco a publiés depuis sa sortie du théâtre, le plus remarquable est intitulé Le Bravure del capitano Spavento. La première partie parut en 1607 et la seconde en 1618 ; la première partie fut traduite en français presque aussitôt après sa publication sous le titre de les Bravacheries du capitaine Spavento. J’ai sous les yeux une édition du texte imprimé à Venise, en 1621, ornée d’un portrait de l’auteur.