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Et, d’abord, il est une chose que les frères Parfait n’ont pas dite, et qu’il était pourtant fort nécessaire d’établir en commençant : c’est qu’avant l’arrivée à. Paris de la troupe de 1577, deux compagnies d’acteurs italiens parcouraient nos provinces et donnaient dans les principales villes de France des représentations, suivant les habitudes de leur nation, c’est-à-dire le plus ordinairement sous le masque et à l’impromptu. L’une de ces troupes, et, je crois, la plus ancienne, était celle des Comici Confidenti ; l’autre portait le nom devenu si célèbre de Comici Gelosi. Les Confidenti étaient venus en France vers 1572 et peut-être plus tôt. Cette compagnie eut vers cette époque, pour principal ornement, une actrice d’une grande beauté et pourvue des plus rares talens littéraires ; elle se nommait Maria Malloni, et au théâtre Celia. Le chevalier Marino l’a surnommée dans l’Adone « une quatrième Grace. » Elle devint bientôt si célèbre, qu’en 1611 Gio.-Pietro Pinelli put composer un volume entier de vers faits à sa louange : « Corona di lodi alla signora Maria Malloni, detta Celia comica. » Elle jouait avec une égale perfection la comédie, la tragédie, la pastorale. Un sonnet du comte Ridolfo Campeggi nous apprend qu’elle excellait dans le rôle de Silvia de l’Aminta. Il est probable (sans cependant que le fait soit certain) qu’elle accompagna les Conidenti dans leurs premiers voyages en France. C’est ici le lieu de faire remarquer que l’immense succès qu’obtinrent dans toute l’Europe les actrices italiennes de la seconde moitié du XVIe siècle vient, indépendamment de leur mérite très réel, de ce qu’elles étaient alors les seules femmes qui parussent sur le théâtre. Pietro-Maria Cecchini nous apprend dans ses Discorsi intorno alle comedie, qui furent publiés en 1644, qu’il n’y avait guère plus de cinquante ans que les femmes avaient commencé à se montrer sur la scène. Niccolo Barbieri discute, dans un chapitre ad hoc de son traité sur la comédie, s’il est plus convenable de laisser jouer les rôles de femmes à des femmes que de confier ces rôles à de jeunes garçons vêtus en femmes. Sur ce point, comme sur tant d’autres, l’Italie donna l’exemple à l’Europe. Chez nous, par exemple, je n’ai pu encore rencontrer d’actrices sur les théâtres de Paris avant l’année 1600 ou environ.

A côté de Celia se faisaient applaudir Bernardino Lombardi, acteur et poète distingué, qui publia en 1583 à Ferrare une comédie en cinq actes, plusieurs fois réimprimée, l’Alchimista[1], et Fabritio de Fornaris, gentilhomme napolitain, plein d’esprit et de verve comique, qui

  1. Giul. Fontanini a donné place à cette comédie dans son catalogue des meilleurs écrivains. Elle est, suivant le goût de l’époque, égayée par le mélange de plusieurs dialectes, notamment de bolonais, de vénitien et de français corrompu.