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Les deux sonnets suivans sont à la louange, l’un de saint Ardélion, acteur païen, qui souffrit le martyre, comme saint Genest, l’autre en l’honneur du comédien Giovanni Buono, de Mantoue, qui venait de se retirer dans un cloître où il pleurait ses fautes et vivait en odeur de sainteté. « … Celui qui excita si long-temps le rire s’est changé en une source de larmes… » Le cinquième sonnet prédit la béatification à frère Jean le pécheur, long-temps comédien à Adria, et alors retiré dans une cellule, « où il donnait aux anges le spectacle de ses mortifications et de sa piété. » Les huit sonnets qui suivent sont un éloge du théâtre honnête et des comédiens qui exercent l’art dramatique vertueusement. Celui de ces sonnets qui serait le plus intéressant de tous, s’il était un peu plus intelligible, est consacré à la mémoire de la mère de l’auteur, la célèbre Isabella Andreini, dont nous reparlerons bientôt. Le quatorzième sonnet est une comparaison de la vie humaine, telle qu’elle s’accomplit sur le théâtre du monde, avec une frivole et vaine représentation théâtrale. Dans cinq autres sonnets, le poète exhorte les acteurs déréglés à rentrer dans la pratique honnête de leur art. Le vingtième est intitulé : « Adieu de l’auteur au théâtre, » et le dernier est une aspiration mystique à la pénitence. « Scènes trompeuses, je pars ! Jamais il ne m’arrivera dorénavant de me dresser fier et paré sur votre sol. Oui, j’abandonne tout ce vain éclat, en même temps que je m’éloigne des beaux sites de la France… »

Qui ne croirait, en lisant ces vers, que J.-B. Andreini avait pris la ferme résolution de changer de vie en quittant la France, et de s’enfermer dans la solitude ? Il n’en fut pas ainsi, cependant, et, durant près de trente années encore, nous le voyons toujours comédien et chef de troupe, accroître, sans interruption, la liste déjà si considérable de ses succès dramatiques.

Il ne faut pas croire que le Teatro celeste soit la seule réclamation passionnée que les auteurs italiens des XVIe et XVIIe siècles aient élevée en faveur de la pureté de leur profession. Dès l’année 1614, J.-B. Andreini avait préludé à ces apologies poétiques par un opuscule intitulé la Saggia Egiziana, dialogue en vers à la louange de l’art théâtral (Florence, in-4o). Il fit encore imprimer à Paris, un an après le Teatro celeste, et par le même Nicolas Callemont, une défense presque théologique de la comédie, toute remplie d’extraits des saints pères. Ce livre, dédié au duc de Nemours, est intitulé : « Lo specchio, composizione sacra e poetica, nella quale si rappresenta al vivo l’imagine della comedia quanto vaga e deforme sia alhor[1] che da comici virtuosi o viziosi rappresentata viene. » Au reste, cette ardeur à défendre la comédie

  1. Je suis partout, pour les noms et les titres, l’orthographe des ouvrages même que j’ai sous les yeux.