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un refus formel, et je me hâtai de m’installer dans la chambre la plus reculée de la venta. A la tombée de la nuit seulement, Cecilio me rejoignit. Il n’avait rien de nouveau à m’apprendre ; à midi, heure où il s’était glissé hors de l’hacienda, tout y était encore parfaitement calme. Ce renseignement me tranquillisa sur le sort des fugitifs, et, délivré de toute inquiétude de ce côté, je résolus de passer la nuit à la venta. Le pauvre Cecilio, qui venait de faire à pied dix lieues de route, ne pouvait plus se tenir, et moi-même j’avais besoin de forces pour reprendre le lendemain une poursuite qui menaçait de se prolonger bien au-delà de mes prévisions.

Le lendemain de bonne heure, nous étions en selle et nous galopions sur la route de Celaya, où nous espérions rejoindre don Tomas. C’était un voyage de deux journées à faire, et ces deux journées furent signalées à peu près par les mêmes contre-temps qui avaient marqué la première partie de cette singulière excursion. Dans toutes les hôtelleries où nous nous arrêtions, don Tomas nous avait précédés de quelques heures. Enfin j’arrivai à Celaya et je descendis au Meson de Guadalupe, au moment où Cecilio enregistrait soixante-dix lieues parcourues depuis notre départ de Mexico, avec la pensée consolante toutefois que, d’après les renseignemens qui m’avaient été donnés, nous touchions décidément au terme de notre course. Malheureusement, par une sorte de fatalité, ce terme reculait sans cesse au moment même où je croyais l’atteindre. A Celaya comme à Arroyo-Zarco, je manquai don Tomas d’une demi-heure. Don Tomas, en quittant Celaya, s’était dirigé sur Irapuato. Nous partîmes pour Irapuato. Dans l’unique hôtellerie de cette bourgade, personne ne l’avait vu. On l’y connaissait cependant, car l’hôte m’apprit que don Tomas était propriétaire et habitant d’une maison isolée située au pied du Cerro del Gigante (pic du Géant).

— Où est le Cerro del Gigante ? demandai-je alors, non sans appréhender que ce fût à cent lieues plus loin.

— C’est, me répondit l’hôte, la montagne la plus élevée de la sierra qui domine Guanajuato ; en partant demain au point du jour, vous y arriverez à la tombée de la nuit.

Irapuato est à quatre-vingt-dix lieues de Mexico. Pour gagner Guanajuato, j’avais une vingtaine de lieues encore à faire. Je me souvins que Guanajuato était la ville où le gentilhomme biscayen devait conduire doña Luz. Outre la certitude d’y rencontrer don Tomas, j’avais donc l’espoir d’y connaître le sort d’un homme auquel je m’intéressais, déjà comme à un vieil ami. Cette double considération me détermina.

— Eh bien ! dis-je à Cecilio, nous irons attendre cette fois don Tomas Verdugo dans sa propre maison, où il paraît être singulièrement, pressé de rentrer.

La route de Guanajuato serpente à travers un ravin d’une longueur