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fierté : J’ai servi le roi ! Puis il y a maintenant la foule de ceux qui ne possèdent point, soit qu’ils aient perdu leur propriété, soit qu’ils n’aient pas été admis au bénéfice de la répartition générale de 1821 ; il y a de véritables prolétaires créés par la législation même, qui, en affranchissant le paysan, a dégagé le seigneur du soin de le nourrir, ces malheureux commornicy entassés dans les maisons communes qu’on leur bâtit sur les grands domaines. C’est toute une population redoutable qui murmure d’en bas, et qui, oppressée par la misère, pourrait bien finir par ne plus avoir la conscience de son origine, par ne plus écouter le cri de son sang.

Quels que soient ces périls, quels que soient les torts qui les ont amenés, l’originalité de la nature polonaise se sauve encore et se maintient contre cette lente absorption essayée par l’Allemagne. Les habitudes de la vie de campagne, les réminiscences patriarcales de ce temps où le gentilhomme n’était encore que le premier du clan, tous ces mille liens qui lui rattachent les villageois aussitôt qu’il a su lui-même se fixer sur ses terres, toutes les répulsions naïves d’un patriotisme primitif sont autant de barrières qui arrêtent l’action de la bureaucratie prussienne. La noblesse de Posen a compris, depuis quelque temps déjà, que le meilleur moyen de défendre le droit imprescriptible de sa nationalité, ce n’était point de recourir à l’aveugle violence des conspirations, mais de remplir avec plus de sérieux tous ses devoirs sociaux. Il est évident aujourd’hui que le complot de 1846 n’était point dirigé contre la Prusse. Le complot permanent qui doit se tramer au grand jour dans tout Posen, que la Prusse ne peut empêcher parce qu’il est légal et s’appuie sur la lettre même des conventions de 1845, le complot pacifique et vraiment glorieux, c’est et ce sera toujours de préserver, de restaurer le sentiment national au sein de toutes les classes. Qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas l’espoir d’une résurrection politique, les sujets prussiens du grand-duché de Posen n’en sont pas moins avant tout citoyens polonais ; même après avoir perdu leur indépendance comme état, ils ont le droit de garder leur caractère comme nation. Telle est aujourd’hui la pensée presque unanime du corps compact de ces propriétaires qui habitent régulièrement leurs domaines, qui fondent des instituts d’éducation professionnelle, qui se vouent eux-mêmes aux travaux agricoles, qui ne laissent plus sortir la terre polonaise de leurs mains, qui se liguent pour empêcher ces ventes malheureuses par où leurs biens passaient aux étrangers, qui réparent enfin, à force d’application et de religieux labeur, les maux causés par la funeste légèreté d’autrefois. L’attitude que les députés de Posen ont prise dans la diète de 1847 a montré tout ce qu’il y avait maintenant d’esprit de suite et de consistance chez un peuple qui s’était justement perdu par son inconséquence tumultueuse. La neutralité qu’ils