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matériaux on a lu le nom d’un frère du roi Horus, qui ne figure point dans les listes de Manéthon ; ce nom a été[1] parfois effacé, peut-être par Horus, comme le nom de Géta le fut sur les arcs de triomphe et aussi dans les inscriptions hiéroglyphiques par Caracalla. Il y a sans doute un drame de frères ennemis enfoui dans ces masses séculaires, et près de reparaître à la voix de la science sur la scène du monde. Un autre nom encore plus curieux que recelaient les débris du pylône d’Horus et qu’on a retrouvé ailleurs, c’est le nom d’un roi dont le type physique est tellement singulier, qu’il a été pris pour une femme[2]. Une autre particularité, c’est que, partout où paraît cet étrange personnage, on le voit rendre un culte au soleil figuré d’une manière bizarre, par des rayons qui portent des mains à leurs extrémités. Ce qui ajoute à l’intérêt de ces bas-reliefs, c’est qu’ils offrent sous le rapport de l’art un caractère entièrement différent du caractère commun à tous les autres monumens égyptiens. Ils ont beaucoup moins de raideur et de convenu ; l’expression est même si fortement accusée, que parfois elle arrive à la manière ou touche même à la caricature. Des bœufs dessinés avec une liberté extraordinaire, pleins de mouvement et de vie, ont été copiés par M. Prisse d’après une pierre du pylône d’Horus. Il a trouvé aussi d’autres noms de rois appartenant également à cette singulière phase du culte et de l’art égyptiens, et ce qui est inexplicable, c’est qu’on est obligé de les intercaler dans la série des rois de la dix-huitième dynastie, celle dont les monumens présentent le type le plus pur comme le plus achevé de l’art égyptien, type constant sous tous les Pharaons. L’étrange particularité des rayons de soleil terminés par des mains, l’aspect insolite des personnages, le goût des sculptures entièrement différentes des autres sculptures, toutes ces circonstances avaient porté à chercher là de très anciens rois, ou des rois d’une race étrangère à l’Égypte, comme la race des pasteurs ; mais les débris du pylône d’Horus et d’autres monumens ne permettent pas de placer plus haut que la dix-huitième dynastie cette inconcevable intrusion d’une race de rois distingués des autres rois de cette dynastie par la configuration physique, la forme du culte et de l’art, et qui paraît avoir régné à Thèbes, où nous venons de trouver ses traces, et où l’un de ces souverains a son tombeau. D’où vient cette veine inconnue et bizarre qui traverse les couches régulières de la

  1. On lit ce nom Amentouonch ; il faut lire, je crois, Amenonchtou. L’ou me paraît être la désinence du pluriel, et le mot vouloir dire l’Ammon des vivans.
  2. Cette supposition, qu’on avait mise en avant, est inadmissible. Le roi Bechan-Aten-Ra est représenté avec sa femme. –L’Hôte, Lettres, p. 93 ; Prisse, Monumens d’Égypte, pl. X. — Cette publication de M. Prisse, dans laquelle se trouvent des monumens inédits et importans choisis en général avec beaucoup de discernement, forme une suite indispensable au grand ouvrage de Champollion.