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un Sésonchis, évidemment le même que Sésonch ? Ainsi donc, vers la fin du Xe siècle avant Jésus-Christ, voilà un point de repère, et pour ainsi dire un point d’appui inébranlable, fourni aux tâtonnemens chronologiques par lesquels on parvient à remonter beaucoup plus haut.

Au-delà de cette merveilleuse salle, on trouve encore à Karnac un certain nombre de monumens, les uns en ruines, les autres assez bien conservés, mais ils ne sont plus comparables pour la grandeur à ce qu’on vient de voir : on a quitté la demeure des géans, on est rentré parmi les hommes.

Pour être moins considérables, ce qu’on peut appeler comparativement les petits monumens de Karnac n’en offrent pas moins d’intérêt et souvent de beauté. Rien n’est plus beau, par exemple, que les hiéroglyphes qui décorent l’obélisque qu’on aperçoit sur la gauche en sortant de la grande salle de Karnac. Cet obélisque a été élevé par une reine qui fut régente pour son frère Thoutmosis. Ce qui est très remarquable, c’est que le personnage qui figure sur l’obélisque, où il est représenté plusieurs fois faisant diverses offrandes aux dieux, est un personnage masculin, bien qu’il s’agisse d’une reine, d’une fille du soleil, dans les inscriptions qui accompagnent les bas-reliefs. Le caractère sacerdotal, inhérent à la royauté égyptienne, n’a pas permis que le souverain fût représenté sous les traits d’une femme[1].

En pénétrant à travers les débris, on arrive à l’emplacement où furent élevés, plusieurs siècles avant que Séthos construisît la salle gigantesque, les plus antiques édifices de Karnac. Là était le sanctuaire des premiers Pharaons de la dix-huitième dynastie ; là un roi bien plus ancien, Osortasen ler, de la douzième, avant l’invasion des pasteurs, avait gravé sur des colonnes qui ont échappé aux ravages de la conquête son nom, que j’ai déjà lu sur l’obélisque d’Héliopolis. Les débris de cette époque sont précieux, car ils sont rares ; ils reportent la pensée vers une période de l’histoire d’Égypte postérieure de bien des siècles aux rois des pyramides, mais qu’on appelle néanmoins l’ancien royaume, par comparaison avec l’âge relativement moderne qui vit bâtir les grands monumens de Thèbes, cet âge des Thoutmosis et des Ramsès qui est lui-même antérieur d’environ 1500 ans à l’ère chrétienne. Vraiment, ici, les siècles sont entassés sur les siècles, comme les ruines sont amoncelées sur les ruines.

  1. C’est, je crois, la véritable raison de cette substitution d’un personnage masculin à une figure de femme que sembleraient devoir indiquer les désignations féminines de l’inscription. Champollion et Rosellini ont cru que le roi représenté sur l’obélisque était le mari de la reine, et que le nom du mari, nom qu’ils lisaient Amenmehé, remplaçait le nom de la femme ; mais ce nom du prétendu Amenmehé est un nom de femme, comme on le voit sur une des faces de l’obélisque, où il est accompagné de cette désignation, fille du soleil, tandis que sur une autre face le prétendu pharaon est dit aimée d’Ammon.