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les chevaliers qui obéissaient à don Fadrique, et attaquée par ceux qui reconnaissaient Garcia de Villagera pour le chef de l’ordre. Ainsi on voyait à la fois deux maîtres de Saint-Jacques et deux maîtres de Calatrava. Ces ordres, divisés comme tout le royaume, se faisaient une cruelle guerre.

Les armes du roi étaient rarement heureuses quand elles n’étaient pas soutenues par sa présence. Juan Rodriguez de Sandoval, son lieutenant devant Palenzuela, fut battu et tué dans une embuscade, et peu de temps après Villagera perdit la vie dans un engagement contre Gonzalo Mexia, devant Talavera. On remarqua que le roi ne voulut point lui donner de successeur pour le moment. En laissant vacante la maîtrise de Saint-Jacques, il semblait annoncer l’espoir de ramener son frère à l’obéissance, et c’était en quelque sorte ouvrir la porte à un accommodement que de ne pas disposer d’une charge objet de tant d’ambitions. Don Pèdre d’ailleurs prétendait toujours exercer la même influence dans les élections des ordres militaires. Au commencement de l’automne de 1355, le maître d’Alcantara, Perez Ponce de Leon, étant mort, il obligea les commandeurs à nommer Diego de Zavallos, parent de Hinestrosa[1], bien qu’il ne fût pas même chevalier de l’ordre. Deux mois après pourtant, il se repentit de ce choix, et, sur le bruit que Zavallos traitait avec les rebelles de Palenzuela, il le fit arrêter ; l’élection ayant été cassée aussitôt, il lui donna pour successeur Suero Martinez, porte-clé de la chevalerie d’Alcantara[2].

Vers la fin de novembre 1355, au moment où les assiégeans pressaient leurs travaux avec le plus d’activité, le cardinal Guillaume, diacre de Sainte-Marie in Cosmedin, arriva au camp du roi avec les pleins pouvoirs du saint-père, non-seulement pour opérer une réconciliation entre le roi et sa femme, mais encore pour terminer, par une paix durable, la guerre civile qui déchirait la Castille. Il venait en outre réclamer la liberté de l’évêque de Sigüenza, détenu captif, depuis la prise de Tolède, dans le château d’Aguilar. Reçu avec de grands honneurs, le légat ne tarda pas à reconnaître que le roi, malgré toute sa déférence affectée pour l’envoyé du saint-siège, était résolu à n’admettre aucune intervention étrangère entre des sujets révoltés et leur souverain. En même temps qu’il repoussait d’une manière péremptoire les offres faites par le légat d’interposer son autorité pour amener la soumission des rebelles,

  1. La fille de don Diego de Zavallos, doña Elvira, était la mère du chroniqueur Pero de Ayala. Voyez Torres y Tapia, Cron. de Alcant., t. II, p. 80.
  2. Zavallos, après avoir été retenu quelque temps en prison dans un des châteaux et sous la garde de Hinestrosa, parvint à s’échapper et à se réfugier en Aragon. Cfr. Rades, Cronica de Alcantara, p. 27. — Ayala, p. 197 et suiv. — Selon Torres y Tapia, Cron. de Alcant., t. II, p. 80 et suiv., Zavallos rentra en grace auprès de don Pèdre, et obtint un autre emploi.