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mariages espagnols et le succès définitif qui avait couronné cette lutte d’influence engagée avec une nation rivale donnaient à ce choix un singulier à-propos. Ce n’est pas une petite faute que de laisser passer sans les saisir les occasions de résoudre facilement des questions qui doivent être un jour forcément résolues. Il y a des difficultés qu’il ne faut pas laisser planer long-temps en l’air. La présidence de M. le ministre des affaires étrangères était, il y a six mois, prévue et acceptée dans tout le monde politique. Il aurait fallu la vouloir alors afin de n’avoir pas à la vouloir plus tard. Cette hésitation a été une première faute. On aurait pu la réparer peut-être, en donnant aux affaires publiques une impulsion un peu vive et qui témoignât d’un certain ensemble de vues ; on n’en a rien fait : les membres de la commission de l’adresse, aussitôt leurs premières réunions, se témoignaient entre eux leur étonnement de voir que pendant l’intervalle de la session les projets de loi qui devaient leur être soumis étaient à peine préparés. Ils apprenaient qu’un projet sur les modifications des tarifs de douanes était à l’étude ; mais M. le ministre du commerce n’avait pas encore eu le temps de prendre l’avis de son collègue des affaires étrangères, et les bureaux des deux ministères ne s’étaient pas encore mis d’accord. La loi sur l’instruction secondaire était déjà tout arrêtée dans la tête de M. le ministre de l’instruction publique ; mais il n’avait pas encore pu en communiquer la rédaction au conseil des ministres et rédiger l’exposé des motifs. En attendant, et pour faire prendre patience aux plus pressés, le ministre du commerce offrait une loi sur les marques de fabrique, une autre sur les brevets d’ouvriers. Le ministre de l’instruction publique présentait trois lois : la loi sur l’enseignement du droit, la loi sur l’instruction primaire et la loi sur l’enseignement de la médecine, lois dont l’urgence n’était pas bien démontrée. Le ministre des travaux publics ne pouvait s’expliquer, quant à présent, sur la convenance de venir en aide aux compagnies des chemins de fer et sur la mesure du concours qu’il était disposé à leur prêter ; le ministre de la guerre, après mûres réflexions, s’était converti à la colonisation militaire et aux camps agricoles de M. le maréchal Bugeaud : il proposait d’essayer de ce système pour quelques millions. Quant au ministre des finances, son budget était prêt ; mais ce budget était de tout point semblable à ceux qu’il avait précédemment établis. Il était évident, à parcourir ce programme à la fois chargé et vide, qu’il répondait mal à la préoccupation publique, et qu’il ne devait satisfaire personne. La discussion politique de l’adresse une fois terminée, c’était cependant sur ce fonds qu’il fallait vivre. Nous le reconnaissons d’ailleurs volontiers, la situation du cabinet était difficile ; les réformes souhaitées par les amis qu’il était aujourd’hui tenu de satisfaire affectaient toutes plus ou moins les recettes du trésor, et il se trouvait que, par une coïncidence funeste, le crédit