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l’opposition était désormais mise hors de cause, qu’à moins de catastrophes ou de reviremens improbables l’opinion conservatrice resterait maîtresse du terrain pendant toute la durée de la législature, qu’elle n’aurait plus à compter qu’avec elle-même, qu’elle était assurée de maintenir, sans contestation, à la tête des affaires du pays les hommes à qui elle remettrait sa confiance.

Quelles devaient être les conséquences de cet ascendant immense remis à un parti qu’aucun autre n’allait plus contenir ? N’était-il pas à craindre qu’après avoir si bien marché d’accord pendant une lutte de cinq ans il ne vînt à se diviser une fois la bataille gagnée ? Le soin de la défense commune, la nécessité de résister ensemble aux attaques d’adversaires infatigables, avaient merveilleusement servi à maintenir la discipline. Cette unité, condition indispensable de force et de durée, l’imposerait-on aussi aisément, la ferait-on observer aussi rigoureusement, quand elle ne serait plus commandée par les circonstances extérieures, quand il faudrait pour ainsi dire la puiser en soi-même ? Comment y réussir ? Telles devaient être, suivant nous, les premières préoccupations des hommes chargés de la conduite de nos destinées. Ce n’est pas tout : un nombre considérable de membres nouveaux avaient pénétré dans l’enceinte de la représentation nationale ; la plus grande partie était venue grossir les rangs de la majorité et faire acte d’adhésion aux principes essentiels de la politique conservatrice ; cependant beaucoup d’entre eux avaient pris vis-à-vis de leurs collèges électoraux des engagemens précis, qu’ils étaient bien résolus à tenir ; ils apportaient aux partisans de certaines réformes déjà proposées et débattues dans la presse et le parlement un renfort d’adhérens zélés. Qu’y avait-il à faire au sujet de ces réformes qui, par l’appui presque unanime qu’elles rencontraient chez ces membres nouveaux, paraissaient avoir obtenu l’assentiment du pays ? C’était encore là pour le cabinet un grave sujet de méditation.

Il est inutile de le dissimuler, la session de 1847 a été entamée sans que les ministres aient paru s’être souciés de résoudre la première des difficultés que nous venons d’indiquer. Pour imprimer à la majorité une direction unique et ferme, quoi de plus essentiel que d’avoir préalablement établi cette unité au sein même des conseils de la couronne ! Le temps était donc venu où le glorieux maréchal qui, dans les jours incommodes, avait bien voulu prêter l’autorité de son nom aux mesures de ses collègues, devait être soulagé par eux d’un fardeau qu’il n’était plus tenu de porter, quand d’autres pouvaient s’en charger. Le public aurait parfaitement compris qu’à la veille d’une session laborieuse, la présidence du conseil eût été décernée à l’homme le plus considérable par le rôle joué dans la politique militante et la part brillante prise aux discussions parlementaires. Il y a plus, l’arrangement des