Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de les commenter, d’en torturer le texte ? A la lumière de la discussion publique, qu’est-il resté cependant ? Le droit, le droit incontestable de la France et de l’Espagne à faire ce qu’elles avaient fait, et une protestation inutile à laquelle l’Angleterre, malgré ses efforts, n’a pu associer l’Europe. C’est qu’en réalité les autres puissances n’ont point vu une menace pour la paix générale, une altération de l’équilibre européen dans un fait qui, tout en étant heureux pour la France, maintenait intacte l’indépendance de l’Espagne. Quelque complication que suscite le gouvernement anglais, la France n’en a pas moins à défendre un droit, — droit librement débattu, discuté et reconnu par les cortès espagnoles. Il faut bien considérer, du reste, que l’Angleterre n’a point changé encore le sentiment de l’Espagne à ce sujet, comme elle le désirerait. Le cabinet de Madrid en fournissait la preuve récemment ; il ne faisait que céder à l’opinion publique en ordonnant des poursuites contre des publications que M. Bulwer peut connaître et qui tendaient à mettre en doute les droits éventuels à la couronne de l’infante Luisa-Fernanda.

Au fond, l’Espagne restant parfaitement indépendante et étant en mesure de défendre son indépendance, le droit de l’infante n’étant point douteux aux yeux de l’Europe, il reste une question d’influence entre la France et l’Angleterre ; pour la résoudre, c’est l’intérêt de la Péninsule qu’il faut évidemment consulter. Par une admirable loi de la Providence, la France et l’Espagne sont dans une telle situation l’une à l’égard de l’autre, que leurs intérêts se confondent. Bien loin de nous porter ombrage, l’indépendance et la prospérité de la Péninsule sont pour nous une nécessité et une garantie. La France n’a point de traité de commerce à demander à l’Espagne ; si elle pouvait voir d’un œil hostile une telle mesure, ce n’est point que son commerce dût en souffrir, c’est parce que son intérêt principal et dominant est dans le développement des ressources espagnoles, dans la pacification du pays qui serait incontestablement retardée par ce défi porté à la Catalogne. Est-ce dans une chambre française qu’on a parlé, sans exciter de réprobation, de mettre la main sur l’île de Cuba ? Avons-nous un Gibraltar, arsenal de contrebande, en attendant qu’il soit un arsenal de guerre ? Si l’Espagne, autrefois puissance navale de premier ordre, renouvelle ses efforts pour créer une marine nationale, ce n’est pas la France, sans doute, qui contrariera cette légitime tendance ; elle ne peut que la seconder de ses vœux et de son appui. Aujourd’hui même, dans les questions si délicates qui s’agitent, la France n’est-elle pas d’accord avec l’Espagne pour souhaiter la prompte solution des difficultés intérieures du palais, que d’autres ne seraient pas fâchés de voir s’aggraver encore ? Nous irons plus loin : qu’on admette un instant une catastrophe ou un événement naturel qui rendrait le trône vacant à Madrid et donnerait toute sa force au droit de l’infante