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du palais est devenue la première de toutes les questions politiques ? La conduite du parti modéré n’a rien que de clair et de simple. Dès le premier moment, il a voulu empêcher la question du palais de naître en éloignant le général Serrano ; il a cherché à faire respecter en lui la dignité du pouvoir et la pureté du principe constitutionnel, il s’est retiré plutôt que de se soumettre à une influence malfaisante. Qu’a-t-il fait lorsque cette influence eut amené une séparation éclatante entre la reine Isabelle et le roi don Francisco ? Il n’a cessé de demander au nom du pays froissé et indigné, au nom de l’intérêt et de la dignité du trône comme de tous les partis, un prompt rapprochement entre les deux époux. Il a défendu de son mieux la royauté contre ses corrupteurs perfides et ses complaisans conseillers. Il a nettement déclaré la guerre à cette influence occulte d’abord, qui est venue ensuite remplir le palais de son insolence. Le parti modéré a été fidèle à lui-même en se rattachant aux institutions, et en défendant l’intégrité du principe constitutionnel. En a-t-il été de même des autres opinions ? Nous ne parlons pas du parti carliste, qui devait bien évidemment se réjouir de tout ce qui pouvait altérer l’honneur de la reine Isabelle et discréditer la monarchie constitutionnelle ; mais ce serait un curieux et édifiant chapitre sur la moralité des partis que l’exposé de la conduite des progressistes espagnols en présence de la soudaine fortune du général Serrano. Vous croyez peut-être qu’au premier bruit d’un événement de ce genre, le parti progressiste s’est nettement prononcé en faveur des principes constitutionnels mis sous les pieds par quelques fous, qu’il s’est soulevé contre une influence si singulière ? Ce serait tomber dans une grande erreur. Le parti progressiste a agi très politiquement, il a attendu, il a tergiversé, lorsqu’on l’interrogeait trop vivement. C’est que, n’ayant aucun espoir d’arriver par une victoire dans le parlement et dans le pays, il avait vu là un moyen de remonter au pouvoir. Le général Serrano n’était-il pas, en effet, un ancien progressiste ? Il s’est alors établi entre l’homme et le parti un échange de propositions, d’avances, de flatteries ; des négociations ont été suivies dans l’ombre ; le parti progressiste avait récemment encore des plénipotentiaires à la Granja pour attendre l’effet de la protection de M. Serrano. De là bien des variations curieuses dans l’attitude et dans les paroles du parti progressiste, suivant qu’il croyait atteindre le but ou qu’il s’en voyait éloigné. Tantôt il menaçait et mettait à nu la situation du général Serrano, tantôt il exprimait des doutes, il défendait même la reine contre de trop hardis soupçons ; il soutenait le droit qu’avait Isabelle de donner sa confiance à M. Serrano, d’accepter ses conseils. Seulement il fallait, en quelque sorte, légitimer cette influence en lui livrant le pouvoir, couvrir l’irrégularité de cette position privée en lui donnant une couleur constitutionnelle et en formant un ministère où seraient entrées,