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pas inutile de préciser dans l’intérêt même de l’avenir ; il faut faire la part de chacun dans cette grande machination dont l’Europe a le droit de connaître le noeud. Nous tenons, quant à nous, à constater que la France y est restée complètement étrangère. On a souvent accusé le gouvernement français d’avoir déserté la question espagnole après la conclusion des mariages de la reine et de l’infante Luisa-Fernanda. A notre avis, les événemens, des événemens que nul ne pouvait prévoir, ont donné amplement raison à M. le ministre des affaires étrangères, lorsqu’il disait, avec une connaissance des faits que seul il pouvait avoir alors, qu’il était bon parfois de s’effacer, de laisser le champ libre, d’abandonner à d’autres la responsabilité de ce qu’il nommait la prépotence, — charge assez lourde en Espagne ! Seulement il ne convenait pas à sa position de qualifier cette prépotence et d’ajouter que, si l’influence de la France s’était exercée honnêtement, loyalement et légitimement dans la question des mariages, l’Angleterre cherchait à annuler l’effet de cette grande transaction en favorisant une intrigue monstrueuse. Nous continuons à penser que la France n’avait point à envier une telle politique à l’Angleterre, qu’il ne lui convenait pas, dans l’intérêt même de ses relations avec l’Espagne, des éventualités qui pourraient survenir, de lutter par de pareils moyens. L’Angleterre a été fort influente à Madrid pendant la crise qui s’est si subitement déclarée et qu’il sera si difficile d’apaiser ; cela est vrai, nous ne le nierons pas. Il fallait à toute force que la question espagnole réglée par les mariages se ranimât avec éclat ; cela importait non-seulement à la politique anglaise, mais encore, il faut le dire, à l’amour-propre cruellement éprouvé de M. Bulwer, N’est-ce pas le moins qu’on puisse faire que de mettre en péril une nation pour venger un échec diplomatique ? Malheureusement, dans un pays comme l’Espagne, les occasions ne manquent pas, et M. Bulwer n’a pas eu long-temps à attendre pour satisfaire son dépit. Les menaces contenues dans ses notes officielles avaient échoué, il y a un an, devant la ferme attitude de la France et le bon sens du peuple espagnol ; il s’est remis à l’œuvre aussitôt et s’est rejeté dans l’action souterraine. Tout le monde connaît ses relations avec le général Serrano, et il ne manque pas de gens à Madrid convaincus que son hôtel avait servi d’asile, il y a quelques mois, au nouveau favori, lorsque sa fortune faillit chanceler en naissant sous une accusation portée contre lui par le cabinet Sotomayor. M. Serrano s’était fait au sénat l’organe des griefs de l’ambassadeur d’Angleterre contre les mariages ; M. Bulwer a payé sa dette en lui frayant le chemin du palais, en l’appuyant de son influence, en écartant tous les obstacles qui ont entouré la naissance de sa scandaleuse faveur. M. Bulwer a fait plus même, il a contribué à la formation d’un ministère qui ne devait point avoir les mêmes scrupules que le cabinet