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a fait tomber, comme la poussière de l’aile d’un papillon, ces œuvres sublimes dont la renommée seule est arrivée jusqu’à nous ; les tablettes de bois de laryx, les parois de marbre qu’elles recouvraient, ont disparu. A peine trouve-t-on dans Pline et les auteurs anciens quelques indications sur les procédés dont se servaient ces artistes célèbres. Sans les découvertes d’Herculanum et de Pompéia, l’on en serait réduit à de simples conjectures ; malheureusement les fresques déblayées dans ces deux cités momies sont des œuvres de pure décoration exécutées par des artistes inférieurs : cependant l’on peut, d’après elles, se faire une idée assez juste de ce qu’était la peinture des Grecs et des Romains. Les statues que nous a laissées l’antiquité ne permettent pas de douter un instant de la hauteur où l’art s’était élevé sous le règne du polythéisme et d’une religion anthropomorphique ; la peinture est trop intimement unie à sa blanche sœur la statuaire, pour ne pas marcher à côté d’elle d’un pas égal : une époque qui produit de grands sculpteurs fournit aussi de bons peintres. — Les anciens ne connaissaient pas la peinture à l’huile, ils peignaient à fresque, en détrempe, à l’encaustique ; à l’aide de ces moyens, l’on arrive à des résultats satisfaisans. Nous ne pensons pas, comme M. Töpffer, que les tableaux d’Apelles brillassent uniquement par la composition, le style et la pureté du dessin : ils devaient avoir une couleur blonde, lumineuse, tranquille, d’une localité simple et forte, d’une harmonie solide et mate comme les toiles claires de Titien. La Campaspe d’Apelles ressemblait sans doute à la maîtresse du Vecelli pour le ton et l’effet. Le coloris ne consiste pas, comme on le croit trop souvent, dans l’emploi du vert, du bleu, du rouge, en nuances vives, mais bien dans la gamme suivie d’un bout à l’autre, dans l’harmonie de l’ensemble. Les Grecs étaient coloristes en ce sens, et l’on voit, par le vernis qu’Apelles appliquait à ses peintures pour donner de la transparence aux parties embues et de l’austérité aux nuances trop fleuries, l’importance qu’ils attachaient à cette partie de l’art. Comment croire d’ailleurs que les Grecs n’avaient pas le sentiment de la couleur, eux dont l’architecture était polychrome, eux qui peignaient et doraient leurs statues ?

Rendons au coloris la place qui lui est due. Le dessin, le relief, la couleur, forment la trinité pittoresque. La couleur a une telle importance et se lie si fortement aux autres parties de l’art, qu’elle se fait sentir jusque dans les gravures, jusque dans les lavis. N’entendez-vous pas tous les jours un sculpteur dire devant une statue blanche partout : Comme les cheveux sont colorés ! ou d’autres expressions équivalentes ?

Que ce mot de statue nous serve de transition pour débattre avec M. Töpffer la question de la statuaire. Le sculpteur emprunte au monde réel une masse d’argile et un bloc de marbre pour manifester sa manière de comprendre le beau. Praxitèle a un rêve de beauté, d’amour