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sous le premier vote d’une nouvelle chambre des communes, et les whigs rentrèrent au pouvoir, non plus, comme trois ans auparavant, en seconde ligne, en fournissant quelques auxiliaires à une administration tory, mais triomphalement, exclusivement, sans aucun contrepoids, comme cela n’avait pas eu lieu depuis vingt-trois ans. Leur chef, lord Grey, l’ancien ami de Fox, s’était fait connaître dès sa jeunesse comme le champion le plus persévérant et le plus ardent de la réforme électorale. Arrivé au pouvoir, son premier soin fut d’assurer la victoire du grand principe dont il était le représentant, et le parlement fut immédiatement saisi d’une proposition conçue avec tant de franchise, fondée sur des bases tellement larges, que tous ceux des réformistes qui ne voulaient pas précisément un nivellement radical en parurent satisfaits et presque surpris.

On sait combien fut laborieux l’enfantement de la nouvelle loi électorale. On sait que le ministère, pour en obtenir le vote, se vit forcé de dissoudre la chambre des communes, à peine réunie depuis quelques mois, qu’appuyé, dans celle qui la remplaça, par une immense majorité, deux fois il échoua devant la chambre des lords, et que le roi lui-même, d’abord favorable, se refusa ensuite aux mesures extraordinaires demandées par le cabinet pour vaincre cette opiniâtre résistance. Les ministres ayant alors donné leur démission, il se décida à l’accepter et à rappeler le duc de Wellington ; mais ce dernier ne put parvenir à former une nouvelle administration, en sorte que le monarque dut se résigner à subir les conditions des whigs. La chambre haute, qui ne s’était laissé effrayer ni par les démonstrations énergiques de l’opinion ni même par la violence des émeutes, céda enfin à la crainte de compromettre son existence politique en réduisant le roi à la nécessité de consentir à une nombreuse création de pairs choisis parmi les whigs.

Lord Sidmouth prit une part active à cette grande lutte. Il avait préparé un discours, il n’eut pas l’occasion de le prononcer, mais il assista à tous les débats et vola constamment contre le bill. Lorsque le duc de Wellington, appelé par le roi, entreprit de former un ministère tory, il lui prêta son concours dans cette malheureuse tentative. Il croyait fermement que la législation électorale n’était entachée d’aucun vice assez sérieux pour rendre une réforme nécessaire : il aurait pourtant consenti à quelques modifications plus apparentes que réelles pour apaiser l’agitation des esprits ; mais, voyant dans le bill proposé la ruine de la constitution, il le repoussa jusqu’à la fin avec une sorte d’horreur. Plus opiniâtre que le duc de Wellington lui-même, qui, pour échapper à l’alternative de donner son vote à la réforme ou de provoquer l’avilissement de la pairie, prit au dernier moment le parti de s’abstenir, il se refusa à entrer dans cette espèce de transaction. Les motifs de sa conduite sont expliqués avec une rare énergie dans une lettre qu’il