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Un tel régime commençait à peser à l’Angleterre, sortie enfin victorieuse des épreuves et des dangers divers qui l’avaient contrainte à le subir comme l’unique moyen de salut. La réaction n’était pas encore assez complète pour qu’elle voulût rendre le pouvoir aux whigs ; ceux-ci n’avaient pas encore refait leur position, compromise par tant de fautes, mais ils la rétablissaient peu à peu. Depuis la paix générale, on ne pouvait plus leur faire un crime de cette politique pacifique, qui quelquefois avait paru prendre le caractère d’une sorte de connivence avec l’ennemi, ou tout au moins d’une défiance malheureuse des ressources de la patrie. La défense des libertés publiques et des droits généraux de l’humanité, devenue plus que jamais et exclusivement le signe distinctif de ce parti, lui rendait de jour en jour en popularité ce que perdaient les tories, de plus en plus égarés dans des voies absolument opposées. Des questions qui sommeillaient depuis long-temps s’emparaient de nouveau des esprits. La réforme électorale reparaissait à l’horizon : ses partisans ne formaient encore dans le parlement qu’une assez faible minorité ; mais il n’en était pas de même de l’émancipation catholique, que la chambre des communes vota, en 1821, à dix-neuf voix de majorité. Il était dès-lors facile d’en prévoir la prochaine adoption, malgré l’opposition qu’elle continuait à rencontrer dans la chambre haute, où, cette fois encore, elle fut combattue par lord Sidmouth. Le discours qu’il fit à cette occasion est certainement un des plus déplorables plaidoyers qu’on ait jamais débités à l’appui de l’intolérance religieuse ; à peine y trouve-t-on quelques sophismes politiques tant soit peu spécieux, mêlés aux absurdes lieux communs du vieux fanatisme protestant. Plus l’opinion publique s’affranchissait de ces préjugés d’un autre siècle, plus il semble que lord Sidmouth s’en pénétrait profondément. On reconnaît à de tels signes les hommes et les partis auxquels le pouvoir va échapper.

C’est le dernier discours de quelque importance que lord Sidmouth ait prononcé comme ministre. Peut-être un secret instinct de bon sens l’avertissait-il que son temps et celui des idées qu’il défendait allaient passer ; peut-être aussi, bien que jouissant encore d’une santé vigoureuse et touchant à peine au seuil de la vieillesse, éprouvait-il déjà cette fatigue morale à laquelle succombent tôt ou tard ceux en qui l’ambition n’est pas unie à une énergique ténacité. Quoi qu’il en soit, il y avait plusieurs années qu’il pensait à quitter les affaires. Ses amis s’étaient efforcés de l’en détourner ou du moins de l’engager, s’il avait besoin de repos, à échanger seulement son laborieux ministère contre un poste moins fatigant. C’était aussi le désir de ses collègues et du roi lui-même. Rien ne put ébranler sa détermination. Aussitôt que la cessation absolue des conspirations et des émeutes qu’il combattait depuis si long-temps lui permit de penser qu’il avait accompli sa tâche, il s’empressa