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rétabli l’ordre et la paix, de ramener le pays dans ces voies nouvelles d’où la nécessité des circonstances l’avait forcé à s’écarter, de revenir à ces principes d’un gouvernement à la fois libre et libéral que son heureuse constitution ne lui permet jamais d’abandonner pour bien long-temps. Il n’était pas réservé à lord Sidmouth et à ses collègues de présider à cette espèce de restauration. Ils s’étaient trop profondément pénétrés des habitudes et des idées auxquelles désormais on devait renoncer. Les doctrines du vieux torysme, du droit divin, du pouvoir absolu, étaient à peu de chose près devenues les leurs, et ils portaient dans leur dévouement à la maison d’Hanovre des sentimens presque complètement semblables à ceux qui jadis avaient animé les partisans des Stuarts. Lorsque leur pensée se reportait sur le passé, c’était avec une sympathie avouée pour les adversaires de la révolution de 1688. Lord Sidmouth, parlant des Écossais condamnés pour avoir suivi, en 1745, les drapeaux de Charles-Édouard, se plaisait à vanter ce qu’il appelait, par une allusion ironique aux termes de l’arrêt judiciaire, leur noble trahison. Un de ses amis, lui écrivant d’Édimbourg sur l’état de l’Écosse et déplorant les dispositions révolutionnaires qui régnaient dans plusieurs parties de ce royaume, ajoutait que sur d’autres points on retrouvait heureusement le bon et véritable esprit cavalier de la race des Montrose et des Dundee. Une telle remarque exprimée par forme de consolation indique assez nettement ce que pensaient des opinions de lord Sidmouth ceux qu’il admettait dans son intimité. Lors d’un voyage qu’il fit sur le continent, il visita avec un intérêt religieux les campagnes de la Vendée, ce théâtre immortel d’une autre lutte en faveur d’une autre dynastie déchue. Et ce n’étaient pas là de pures fantaisies d’imagination : ce retour aux croyances, à la religion politique d’un autre temps, se manifestait en pratique par les actes les plus significatifs. Tandis que, dans la politique intérieure, il inspirait cette résistance absolue que lord Sidmouth, lord Eldon et la majorité du ministère opposaient à toute innovation et à toute réforme, il éclatait plus visiblement encore par les tendances et les procédés de la diplomatie britannique. Il semblait que le cabinet de Londres, par suite des rapports multipliés qu’il avait eus avec les gouvernemens du continent pendant les longues guerres contre la France, eût fini par contracter jusqu’à un certain point l’aversion naturelle des monarchies despotiques pour la cause de la liberté des peuples. Étroitement uni au cabinet de Vienne, il lui prêtait, pour l’aider à étouffer les tentatives d’émancipation faites par plusieurs nations du midi de l’Europe, un appui que l’Autriche ne recevait au même degré ni de l’empereur de Russie, non encore revenu à cette époque de’ son libéralisme mystique, ni de la France de la restauration, gouvernée alors par des ministres modérés et constitutionnels.