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sans compromettre le maintien sur le trône de Louis XVIII et de sa famille… La vérité est qu’une réduction réelle de la puissance de la vieille France est une chimère, à moins qu’elle ne résulte d’une scission morale et intérieure, telle qu’elle aurait lieu si le midi restait attaché à la dynastie légitime, tandis que le reste se donnerait un autre gouvernement. Un pareil événement peut n’être pas impossible, mais il doit commencer de lui-même, et, à tout prendre, c’est un problème de savoir s’il serait avantageux au genre humain. » Ces derniers mots sont remarquables. Il y avait quelque mérite, au milieu des haines aveugles qui se déchaînaient alors contre la France, à insinuer, même en forme de doute, que son existence comme état du premier ordre pouvait bien être un des élémens essentiels du système européen.

Un trait frappant de cette correspondance, c’est la conviction qu’elle exprime du peu de solidité du gouvernement de la restauration. « Il me paraît hors de doute, dit lord Liverpool, que la présence d’une force alliée à Paris pendant l’hiver est absolument nécessaire. Le gouvernement du roi n’existerait pas une semaine, si cette force était retirée avant qu’on en eût constitué une nouvelle à la place, ce qui exige inévitablement du temps. Le seul point sur lequel tous les partis en France me paraissent d’accord, c’est l’absolue nécessité d’une occupation étrangère et plus particulièrement d’une force britannique restant quelque temps dans le pays. Il est bizarre que les choses en soient venues là. » Lord Sidmouth se montrait, aussi très inquiet des dangers que pouvait susciter à la restauration, non plus Napoléon, prisonnier à Sainte-Hélène, mais son fils devenu l’hôte de la cour de Vienne.

Quoi qu’il eût pensé d’abord de la direction qu’il eût fallu donner aux négociations, il finit par reconnaître que les conditions du traité étaient satisfaisantes, et qu’en Angleterre elles obtenaient l’assentiment général. Son attention principale et l’activité de son esprit se portaient d’ailleurs sur d’autres questions qui rentraient plus spécialement dans ses attributions officielles, et qui devaient bientôt prendre, dans les préoccupations de l’Angleterre, la place qu’y avaient tenue jusqu’alors les faits de la politique extérieure. Déjà, avant la fin de la guerre, des troubles sérieux avaient commencé à agiter le royaume. Ces troubles n’eurent d’abord rien de politique. Ils provenaient de la misère profonde de la classe ouvrière, suite inévitable de la prolongation extraordinaire des hostilités, de l’énormité des impôts, du peu de débouchés que laissait à l’industrie l’interruption presque absolue des communications avec le continent, et aussi du développement excessif qu’avait pris l’emploi des machines aux dépens d’une foule de bras désormais privés de travail. Les ouvriers s’étaient organisés en associations secrètes, dont le but était la destruction de ces machines, coupables, à leurs yeux, de toutes leurs souffrances. Les luddistes (c’est ainsi qu’on