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Sidmouth. Jamais il ne pense à le présenter comme un des membres de cette pléiade immortelle qui, à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci, jeta un si grand éclat sur le parlement britannique. Il ne voit en lui ni un grand orateur ni un de ces génies appelés à maîtriser le cours des événemens. Il le déclare même avec une franchise dont on doit lui savoir d’autant plus de gré que rien ne l’obligeait à cet aveu, puisque, après tout, en s’abstenant de prêter à son beau-père, à son ami, des perfections imaginaires, il eût satisfait aux exigences les plus scrupuleuses. Ce bon sens, cette loyauté d’appréciation, ne suffisent certainement pas pour faire un complet historien ; mais ce n’est pas de l’histoire proprement dite que s’est proposé d’écrire M. Pellew. Il n’a voulu évidemment que préparer des matériaux pour ceux qui raconteraient un jour une époque mémorable, et ses dispositions personnelles le rendaient incontestablement propre à l’accomplissement d’une pareille tâche.

Ce que j’ai dit du livre de M. Pellew doit suffire pour en indiquer la valeur véritable et même pour donner jusqu’à un certain point la mesure du personnage dont il a retracé la vie. Si rien dans la personne de lord Sidmouth n’était assez éminent pour arrêter les regards de la postérité, un concours de circonstances l’a mis par momens en position d’influer sur les destinées de son pays, sur celles même de l’Europe et du monde. Je voudrais essayer de dégager, des prolixes récits de son biographe, ce qui peut jeter quelque jour sur ces grands intérêts.


I.

Lord Sidmouth, connu pendant la première moitié de sa vie sous le nom d’Henri Addington, était né le 30 mai 1757, dans le comté d’Oxford, où sa famille possédait, depuis un grand nombre de générations, un domaine d’une étendue moyenne. Son père, médecin célèbre, avait dû à l’exercice de sa profession d’être introduit dans l’intimité de lord Chatham, dont il était devenu l’ami et le confident, quelquefois même l’agent dans ces négociations souterraines auxquelles ce grand homme abaissait sa fierté, pendant les dernières années de sa vie, pour essayer de reconquérir son ancienne puissance. Le jeune Addington, après avoir fait d’assez bonnes études, se destina d’abord au barreau ; mais un mariage qu’il contracta à l’âge de vingt-quatre ans, et qui lui donna le bonheur domestique, premier besoin d’une ame douce et calme comme la sienne, interrompit bientôt sa carrière. Les préoccupations de la famille et de la propriété eussent peut-être absorbé l’existence de celui qui devait être le premier ministre de son pays, si une impulsion étrangère n’était venue stimuler en lui une ambition qui s’ignorait encore.

Par suite des rapports qui avaient uni son père à lord Chatham, il