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utiles, en le soutenant dans le bien qu’il accomplit, en lui signalant les fautes qu’il peut commettre. En suivant cette ligne, on est sûr de se rencontrer avec tous les esprits modérés, avec tous les hommes de bonne foi. Qu’importent les jugemens passionnés ou qui veulent être perfides de ceux qui ne comptent plus dans ces rangs ? Il est certains suffrages dont il faut savoir se passer.

À ces débats dont nous signalions tout à l’heure le caractère fâcheux, il y a eu pour la chambre des pairs une compensation heureuse. M. Molé a prononcé à la tribune l’éloge du maréchal Valée. Il appartenait à l’homme d’état qui avait su discerner et utiliser le mérite supérieur de ce général d’artillerie de caractériser et de louer les services que ce dernier a rendus au pays. Consulté par le ministère du 15 avril sur les préparatifs qui avaient été faits pour le second siège de Constantine, le général Valée signala ce qu’ils laissaient encore à désirer, et l’événement démontra la sagesse de ses conseils. Outre ses avis, on réclamait sa présence en Afrique. A soixante-quatre ans, le comte Valée consentit à servir, en qualité de volontaire, à côté du général Damrémont, dont il était l’ancien de grade ; seulement il était chargé d’organiser et de diriger le service de l’artillerie : abnégation noble, et rare, qu’on ne saurait trop louer à une époque où dominent surtout les préoccupations personnelles et les prétentions égoïstes, et qu’au surplus la fortune ne tarda pas à récompenser d’une manière éclatante. Le dévouement du général Valée, son énergie, son triomphe, ont été racontés par M. Molé avec une simplicité éloquente. Le vainqueur de Constantine, devenu gouverneur-général de l’Algérie, après le premier moment d’une hésitation modeste, embrassa avec ardeur la tâche nouvelle qui lui était imposée. Les fragmens de dépêches cités par M. le comte Molé le montrent préoccupé de pensées non moins sages que grandes. « Je veux, écrivait-il, que la France refasse l’Afrique romaine… Sous mes ordres, l’armée ne parcourra pas à l’aventure les provinces africaines sans laisser plus de traces après elle que n’en laissent les bateaux à vapeur sur la Méditerranée. J’irai lentement, mais je ne reculerai jamais. Partout où je poserai le pied de la France, je formerai des établissemens durables. » Les pages que M. Molé a consacrées aux plans du maréchal serviront de documens aux historiens militaires de notre colonie, et ne contribueront pas médiocrement à honorer la mémoire de ce vieux soldat de l’armée du Rhin et de l’empire.

Malgré l’absence des chambres, nous ne manquerons pas de discours, s’il est vrai que sur plusieurs points il s’organise des banquets en l’honneur de la réforme électorale et parlementaire. Ces sortes de démonstrations sont dans le droit de tous les partis ; il ne nous parait ni équitable, ni habile de les condamner en masse, et d’y voir partout les symptômes des mêmes passions. Ce serait prêter au parti radical des forces sur lesquelles il sait mieux que personne ne pouvoir compter. Nous ne serions pas surpris que des hommes que la modération de leurs opinions sépare du radicalisme ne fissent pas difficulté d’avouer publiquement leurs sympathies pour certaines idées de réforme parlementaire, et l’on n’est pas nécessairement l’ennemi de la monarchie de 1830, pour penser qu’il faut modifier sur quelques points la loi des élections de 1831. Au lieu de tout confondre et de tout exagérer, il sera plus utile d’étudier l’esprit des manifestations qu’on nous annonce. Rappelons-nous les exemples de l’Angleterre, où tout ce qui se passe au grand jour de la publicité et dans les limites consti-