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se prétend toujours souveraine des régences barbaresques, et que la reconnaissance des autres puissances de l’Europe a eu plutôt lieu en fait qu’en droit. Avec le mauvais vouloir qui anime lord Palmerston et dont il ne nous épargne pas les preuves, il peut y avoir là une occasion de sérieux embarras. Nous ne doutons pas que le gouvernement n’y ait songé et qu’il ne soit en mesure d’y faire face. L’avènement de M. le duc d’Aumale au gouvernement général nous impose plus que jamais l’obligation de fortifier les côtes d’Afrique contre les agressions maritimes, et d’y développer par tous les moyens une population de marins. Quand on prend de pareilles résolutions, il faut être bien décidé d’avance à les soutenir. M. le duc d’Aumale a lui-même prouvé dans plusieurs occasions, notamment à la prise de la Smala, qu’il n’était pas homme à reculer, et puisqu’il a recherché le gouvernement de l’Afrique, c’est qu’il en accepte d’avance toutes les conséquences.

L’ordonnance qui réorganise l’administration de l’Afrique paraîtra en même temps que la nomination du nouveau gouverneur-général. Cette ordonnance a pour but de satisfaire aux vœux exprimés par les deux chambres, et notamment par les deux rapporteurs des commissions, MM. de Tocqueville et Charles Dupin. Les trois directions centrales dont l’expérience avait démontré les inconvéniens sont supprimées. Tous les services civils aboutiront au directeur général des affaires civiles, qui sera le premier personnage de la colonie après le gouverneur-général. Le conseil du contentieux est supprimé, le conseil supérieur d’administration refondu. Dans chaque province, on établit de véritables préfets sous le nom de directeurs des affaires civiles, ayant auprès d’eux des conseils de préfecture. En même temps, une ordonnance spéciale dont M. Vivien a été le rapporteur, et qui a été examinée par deux comités du conseil d’état, règle tout ce qui tient à l’administration communale. L’Algérie va enfin avoir ses municipalités. L’ordonnance est, dit-on, conçue sur des bases très libérales. Cependant les conseils municipaux ne seront pas électifs, la composition actuelle de la population civile en Afrique ne le permet pas ; mais ils auront une existence réelle, et n’auront rien de commun avec les municipalités dérisoires qui existent aujourd’hui. Enfin une troisième ordonnance impose des formes nouvelles aux concessions de terres et de mines, et a pour but d’écarter, en multipliant les garanties, jusqu’à la possibilité du soupçon.

On ne dit pas qu’il ait été rien changé à l’organisation de l’administration supérieure de l’Afrique à Paris. Cette organisation suffira-t-elle désormais ? C’est là une question qui paraît n’avoir pas été abordée. On dit seulement que le principe d’une large décentralisation a été posé, et que la plupart des affaires qui aboutissaient aux bureaux de la guerre seront décidées désormais soit à Alger par le gouverneur-général, soit dans les provinces par les autorités locales. Cette réforme était l’une des plus urgentes ; on se plaignait surtout en Afrique des lenteurs interminables des moindres affaires, et on comprendra qu’en effet ces lenteurs devaient n’avoir point de fin, quand on songera que, pour obtenir une décision, il fallait que le plus mince dossier, formé à Guelma par exemple, allât d’abord à Constantine, puis à Philippeville, puis à Alger, puis à Paris, et revint ensuite par le même chemin, après avoir parcouru près de mille lieues et passé par plus de cinquante mains. On ne peut malheureusement pas épargner ce trajet à toutes les affaires, car il en est d’une importance telle qu’elles