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père : c’est le plus âgé d’entre eux, à moins qu’il ne soit désigné pour le service militaire. Si le père est marié, sa femme est de droit la mère, sinon ce droit revient à la plus âgée des femmes de la communauté. Le père est chargé de veiller au maintien du bon ordre, des bonnes mœurs et de l’économie ; il distribue aussi le travail entre les membres de la famille ; il prend soin de la récolte et de la vente des produits. S’il s’agit d’intérêts graves, de questions de propriété, de mutations, de contrats, de prêts, il rassemble et consulte ses associés ; la majorité décide. La mère surveille les travaux des femmes et les affaires d’économie domestique. Dans le partage des bénéfices, le père et la mère prennent une double part ; les autres associés ont une seule part égale pour tous. Celui qui est sous les armes, présent ou absent, a aussi la sienne.

Une ferme possédée par une seule ou par plusieurs familles prend le nom de Grenzhaus (maison-frontière). En temps ordinaire, chaque maison entretient un homme tout équipé pour le service actif, qui consiste principalement dans la garde du cordon-frontière. Le gouvernement fait les frais des armes, des munitions, des buffleteries, à quoi il joint une paire de souliers par an. Si le colon en activité campe hors de la colonie, il a droit à la solde et à la nourriture des troupes de ligne. En temps de guerre, il reçoit de plus un équipement. La maison obtient sur l’impôt de l’année une déduction de douze florins durant le service de son soldat dans l’intérieur de la colonie, de six florins durant le service de campagne, et, dans ce dernier cas, elle est gratifiée par surcroît d’une nouvelle déduction de douze florins pour celui qui fait le service à l’intérieur pendant que l’autre combat sous les drapeaux.

Les corvées que toute maison doit à l’état sont réglées sur l’étendue de la propriété. Chaque arpent de terre labourable ou de prairie oblige annuellement le propriétaire à une journée de travail manuel ou à une demi-journée d’un homme avec un attelage. L’impôt se règle aussi d’après cette base. Cependant il n’est point absolument le même dans toutes les colonies ni dans tous les régimens de chaque colonie ; il varie suivant la qualité du sol. La moyenne est d’environ vingt creutzer par arpent, à l’exception des vignobles, qui paient davantage pour un revenu aussi plus considérable. Le produit de l’impôt est affecté, comme les corvées, à l’entretien du service public dans les colonies. Les propriétés de toute nature sont héréditaires avec les obligations qui y sont attachées. Les filles sont aptes à succéder, à la condition qu’elles épousent dans les deux ans un colon capable de remplir ses charges militaires ; sinon elles sont forcées de vendre. A défaut d’héritiers, les terres font retour à l’état, qui en dispose à son gré.

En Transylvanie, chez les Szeklers, dotés d’un droit de possession beaucoup plus étendu en principe, bien qu’ils ne puissent ni tester ni vendre, ce sont les voisins qui héritent ; la terre ne retourne jamais à l’état. Dans les régimens roumains de la principauté[1], les terres qui n’appartiennent point à des colons nobles sont en ce point gouvernées par la loi des colonies hongroises et croates. Toutefois les fermes se divisent et se subdivisent sans règle fixe ; il n’existe point là d’associations constituées, du moins en vue de la possession en commun.

  1. Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des Roumains en Hongrie et dans les colonies hongroises. Par exemple, dans la colonie du banat de Temesvar, il y a un régiment roumain ; il est sur le même pied que les autres régimens de la Hongrie.