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qu’il a rédigé et signé les quatre articles. N’est-ce pas vraiment en semblable matière que le doute et l’indulgence sont le commencement de la sagesse ?

M. Varin, en montrant les Arnauld dans l’intimité de leurs relations, en découvrant certaines intrigues, certaines pratiques égoïstes ou ambitieuses du jansénisme, s’attache à prouver que les solitaires de Port-Royal n’étaient point à l’abri des reproches qu’eux-mêmes adressaient à leurs adversaires les jésuites. « On a dit tant de mal des jésuites, écrit-il dans son introduction et le roman en a tant inventé, que sur leur compte il ne doit plus guère rester d’inconnu que du bien ; » et, quelques lignes plus loin, il ajoute : « La cause principale du discrédit des jésuites, le fait est notoire, c’est la persévérance qu’a mise le jansénisme à leur attribuer en masse les opinions et les actes de quelques-uns d’entre eux, acte et opinions la plupart du temps condamnables, mais condamnés avant tout par la société dont faisaient partie leurs auteurs. » Que les Arnauld et leurs frères en Jansenius n’aient point toujours pratiqué comme ils l’auraient dû la charité, l’humilité chrétiennes ; qu’ils aient souvent apporté dans la discussion la haine et la mauvaise foi ; qu’ils aient calomnié leurs adversaires, qui, du reste, ne restaient point en arrière avec eux, c’est ce qu’on ne peut contester. Ils étaient hommes, et de plus hommes de lettres et théologiens. Que la compagnie de Jésus, à son tour, ne soit point responsable des opinions de quelques-uns de ses membres, c’est aussi l’avis d’un homme dont le témoignage en cette matière ne sera point suspect ; c’est l’avis de Voltaire, qui s’exprime ainsi à ce sujet dans le Siècle de Louis XIV : « On attribuait adroitement à la société les opinions extravagantes de plusieurs jésuites espagnols et flamands ; on les aurait déterrées aussi bien dans les casuistes dominicains ou franciscains, mais c’était aux seuls jésuites qu’on en voulait. On tâchait de prouver qu’ils avaient un dessein formé de corrompre les mœurs des hommes, dessein qu’aucune secte, aucune société n’a jamais eu et ne peut avoir. » Rien n’est plus juste ; mais il ne s’ensuit pas que, dans l’affaire du jansénisme, le beau rôle appartienne aux jésuites, et il nous semble que, lorsqu’on veut les défendre, ce n’est ni dans la France du XVIIe siècle ni dans celle du XVIIIe qu’il faut chercher des élémens pour leur justification. Les jésuites mit été grands lorsqu’au milieu des agitations du XVIe siècle, ils disputaient à Luther et à Calvin l’Europe catholique, rangés comme des soldats autour de l’un des plus héroïques aventuriers de la foi. Disons plus encore, ils ont rendu à la France un service signalé en contribuant à la sauver de l’hérésie, dont le triomphe eût détruit cette œuvre de notre imité nationale, si péniblement élaborée dans le cours du moyen-âge, unité que le calvinisme eût inévitablement anéantie pour y substituer une organisation princière semblable à celle de l’Allemagne. Ils ont